Savoir comme verbe non factif
Mais d’abord qu’est ce donc que cette propriété d’être factif? Pour le comprendre considérons les deux phrases suivantes:
(1) Je croyais que la terre était plate mais je me trompais
(2) Je savais que la terre était plate mais je me trompais
La première phrase nous semble parfaitement rationnelle alors que la seconde est inacceptable: par définition, si nous savons quelque chose, nous ne pouvons nous tromper. En vertu de quoi? Du fait que ce que l’on sait est un fait avéré. De »X sait que P », je peux donc déduire que »P est un fait ». D’où le caractère factif du verbe »savoir ». »Croire », à l’inverse, n’est pas factif parce que je peux croire une chose sans que cette chose soit vraie. Par exemple: »Bush Jr croit que Dieu veut l’aider à apporter la démocratie aux Irakiens » mais comme le montre la situation en Irak, Dieu ne s’implique pas beaucoup dans le processus démocratique. Toutes ces explications ne sont pas très rigoureuses mais j’espère que tout le monde a saisi ce que l’on entend par »être factif » dans la philo analytique contemporaine.
Le consensus actuel en philo analytique est que savoir est factif. Ce n’est même plus discuté pour autant que je sache; c’est de la connaissance commune. [Mais attention: je ne suis pas vraiment un spécialiste de cette question et je peux me tromper sur ce point.] Je vais quand même essayer de défendre l’idée que des phrases telles que (2) ne sont pas totalement absurdes ou alors, il faudrait accepter que je ne sais absolument rien sur rien et j’aimerais autant éviter cette conclusion parce que personnellement, j’aime bien l’idée de savoir beaucoup de choses!
Commençons par certaines choses que je sais:
(3) Je sais que E = mc²
(4) Je sais que le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux cotés d’un triangle rectangle
(5) Je sais que mon pull est bleu
(6) Je sais que c’est la seconde fois que je donne l’exemple (5) dans ce blog mais ce n’est pas étonnant la plupart de mes pulls sont bleus et je sais que ceci est un savoir très complexe qui vous impressionnera
(7) Je sais que Homère à écrit l’Iliade
(8) Je sais que je sais plein d’autres choses
Prenons l’exemple (7): de tous les savoirs que j’ai extraits ici de mon stock de connaissances, c’est celui qui me paraît le plus douteux. Il ne m’étonnerait pas du tout qu’un Helléniste distingué prouve un jour que l’Iliade a été écrit collectivement par des générations de bardes et que Homère était juste un ivrogne qui chantait tellement mal que l’on avait pris l’habitude de lui attribuer cette oeuvre pour plaisanter. Supposons qu’une telle catastrophe arrive, dois-je proférer (7a)ou (7b)? [NB: Pour les besoins de la cause, nous accepterons que (7a) et (7b) sont contraires. Il me semble que ce serait assez facilement formalisable mais ce n’est absolument pas essentiel pour ce que je vais dire.]
(7a) Je croyais savoir que Homère avait écrit l’Iliade mais je me trompais
(7b) Je savais que Homère avait écrit l’Iliade mais je me trompais
Il me semble bien que toute personne sensée choisirait (7a) sans hésiter. Je vais donc choisir (7b). En fait, dans la vie de tous les jours, je dirais également (7a) parce que je tiens à la considération de mes semblables mais je veux ici soutenir que j’aurais pu et peut-être du choisir (7b).
Le problème que je vois avec (7a) est le suivant. Si on me donne une liste d’énoncés, il y en a que j’asserterais (Ex: Je sais que E=mc²), d’autres dont je dirais que j’y crois (Ex: Je crois que c’est Einstein et non Poincaré le vrai découvreur la théorie de la Relativité) et d’autres dont je dirais que je crois les savoir (Ex: Je crois savoir que Feynman était en concurrence avec Wheeler.) Avec (7a), on doit conclure qu’il n’y a aucune différence entre ce que je crois et ce que je crois savoir. En effet, étant donné que je ne suis pas un agent idéalement rationnel, chaque élément de mon stock de connaissances est susceptible de s’avérer faux et par définition, ce qui est faux ne saurait être un fait et ne saurait être gouverné par un verbe factif. Nous devons donc en déduire que je ne sais pas tout ce que j’asserte mais crois le savoir. Et étant donné que je n’ai aucun moyen de différencier dans mon stock de connaissances entre ce qui sera invalidé dans le futur et le reste, je dois en déduire que dans l’absolu, je ne sais rien. Le verbe ‘savoir’ en tant que verbe factif présuppose donc l’introduction en épistémologie de ce que Putnam a appelé le point de vue de Dieu. Personnellement, je préfère que Dieu se mêle de choses plus importantes et que nous demeurions imparfaits.
Supposons maintenant que j’aie raison et que savoir ne soit pas factif. Quelle différence y a-t-il donc dans ce cadre entre »savoir que X » et »croire que X »? Au risque de paraître hérétique, je répondrais: »Presque aucune ! » A mon avis, il y a un continuum cognitif entre ce que l’on étiquette comme croyance et ce que l’on étiquette comme savoir. Quand j’affirme : »Je sais que X », tout ce que je dis, c’est que je crois X avec un degré d’engagement maximal. Cette position présuppose une théorie des degrés de croyance mais je ne m’y attarderais pas ici. Le vrai problème avec ce que je dis, c’est que la propension à considérer »savoir » comme un verbe factif n’est pas un simple truc d’épistémologue; nous pensons tous que ce que nous savons est vrai ( »Cette crème antirides fonctionne? » »Voyons ma chère tout le monde sait ça! »). Il n’empêche que si tel était le cas, il n’y aurait pas de progrès des connaissances. OK, mais comment expliquer qui nous liions si systématiquement savoir, justification et vérité? Je dirais que c’est parce que les croyances envers lesquelles nous sommes engagés de manière maximale sont celles que nous avons le plus de raisons de croire et donc pour lesquelles nous avons le plus de justifications possibles. Objection évidente: E=mc². Mes connaissances en physiques sont largement insuffisantes pour me permettre de dériver cette équation et pourtant, je l’asserterais avec beaucoup plus d’assurance que je ne soutiendrais beaucoup d’autres choses que je sais/crois savoir. Cette objection n’est cependant pas très gênante si l’on accepte l’idée d’une division sociale du travail: c’est bien parce que je sais que la théorie de la Relativité a été soumis à une multitude de tests par les meilleurs physiciens que je suis pleinement justifié à affirmer que je sais que E=mc² lors même que je ne suis pas certain que la personne qui partage mon bureau m’estime.
PS : Pour autant que je sache, le verbe asserter n’existe pas en français mais je me permets de l’utiliser parce qu’il devrait vraiment exister pour aller avec assertion!
Sport, cerveau & Dieu,

C’est bon? Vous avez fini de vous ébaudir sur mon génie, ma générosité et de me réserver une place au paradis des bienfaiteurs de l’humanité aux cotés de Flemming & de Marie Curie? Merci ça me touche beaucoup. Je vais vous parler du papier et vous verrez que c’est parfois utile de lire des neurosciences. En plus, et tout à fait accessoirement, ce papier peut même vous parler des miracles divins si vous le lisez attentivement (Hum, dis comme ça, ça va donner des espoirs aux mystiques… Ils seront déçus je le crains.) .
Vous savez que jusqu’à très récemment, le dogme était que le cerveau est un organe dont le destin est d’aller vers la dégénérescence de manière irrémédiable. Nos connexions neuronales étaient censées se former assez vite au cours de la vie puis, passé un certain age, nous commencions à perdre des neurones qui n’étaient pas remplacés. D’où Alzheimer et autres Parkinson. Ca, c’était les neurosciences Old School. Avec les progrès en imagerie cérébrale, on s’est rendu compte que le cerveau n’était pas si statique et si irrémédiablement voué à la démolition que ça. En fait, on a même constaté que le cerveau se réorganise au cours de notre vie. Par exemple, en cas de perte de la vue, les parties du cerveau qui étaient dévolues à cette fonction sont ‘colonisées’ par d’autres fonctions comme le toucher. On appelle ça de la plasticité cérébrale et le phénomène est maintenant assez bien connu. Les papiers dont je veux vous parler ont commencé comme des expériences de plasticité cérébrale et d’apprentissage procedural classiques. Ce qui intéressait Alvaro Pascual-Leone et son équipe, c’était de voir comment l’apprentissage non seulement améliorait les performances au piano mais réorganisait également le cortex cérébral. Comme ils s’y attendaient, ils ont constaté que la pratique régulière (ne serait-ce que pendant une semaine) du piano augmentait taille de la partie du cortex contrôlant les doigts. OK, c’est déjà pas mal mais plus vraiment surprenant. L’idée de génie de AP-L a été de demander à un troisième groupe de cobayes de, non pas jouer mais simplement imaginer les mouvements à faire pour jouer au piano et ce, sans mouvoir aucunement leurs doigts. La trouvaille révolutionnaire a été de voir que même dans ce dernier cas, il y a une expansion de la surface corticale contrôlant les doigts. Vous rendez-vous compte? C’est carrément la preuve du pouvoir de l’esprit! Des pensées immatérielles qui ont une influence physique; avouez que ça plaira à tous les mystiques de la terre.
Étant plutôt prosaïque, je déduis de ces travaux que j’ai le droit de ne plus jamais faire de sport de ma vie. En effet, si la simple imagination suffit à modifier le cerveau, il me suffit de me lover confortablement dans mon canapé, de me concentrer très fort et de m’imaginer en train de faire du sport. Normalement, ça devrait modifier mon cortex, accélérer mes battements cardiaques et me maintenir en forme. OK, la méthode n’est pas vraiment au point mais je suis sûr que je suis bien parti pour révolutionner la pratique du sport et par voie de conséquence pour améliorer la santé publique à travers un monde où les gens ont un mode de vie de plus en plus sédentaire. Là normalement, vous vous arrêtez de lire, vous m’applaudissez et vous émerveillez devant les possibilités infinies de farniente qui s’ouvrent à vous.
Plus sérieusement, j’ai repensé à ces expériences en réfléchissant à la notion de miracle dans les religions. J’avoue que j’ai un problème avec ça. L’idée d’un Dieu qui choisirait d’intervenir dans le monde et de modifier les lois de la nature au gré de ses fantaisies me paraît irrationnelle au possible, même pour un croyant. A mon avis, le fait de vouloir recevoir des signes de la part de Dieu traduit une profonde insécurité parce que c’est demander que la foi soit remplacée par un savoir. En même temps, il semble bien que des ‘miracles’ se produisent effectivement. Il arrive que des personnes malades et croyantes se rétablissent après une prière ou une imposition des mains, un bain rituel, la consommation d’un plat sacré ou quoi que ce soit d’autre. Personnellement, je suis assez terre à terre et ai du mal à accepter de telles explications. J’ai toujours pensé qu’il devait y avoir pas mal d’autosuggestion dans tout ça mais ce n’était là qu’une pétition de principe tant que l’on avait pas de mécanisme naturaliste pour expliquer une telle causalité. Ce que je me demande, c’est si ce que décrit AP-L ne pourrait pas être le mécanisme en question. Dans un tel cas, il y aurait effectivement des miracles mais ces derniers ne seraient pas vraiment le fait de Dieu mais du cerveau des croyants. Attention, je ne suis pas en train de dire que Dieu n’existe pas mais simplement que les miracles ne prouvent absolument rien… sauf pour un croyant bien sûr!
PS: J’aurais voulu mettre en épigraphe quelque chose de Pascal mais je n’ai malheureusement pas les Pensées sous la main.
PPS: Je vous mets d’autres liens dès que je peux. Je suis passablement débordé en ce moment.
Expo Akeba à Dakar Argumentaire

PS : Ce texte n’est pas de moi:
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Expo AKEBA au just 4U du 05 au 12 avril 2007 : « Regards sur Dakar »
Akéba a quitté – pour un temps dit-il- ses cavernes préhistoriques, ses ruelles de la Médina marocaine, pour plonger dans notre chère ville de DAKAR, cité aux multiples contrastes dans laquelle le visiteur est littéralement projeté comme un pantin désarticulé dans un tourbillon de couleurs, d’odeurs, de décibels, de fracas…et de cohue. Tout paraît s’emmêler, se tordre, se confondre, pour créer, le temps d’un battement de cil, une symphonie fantasmagorique à la gloire de l’insolite et du dantesque. On se croirait en plein polar, avec en toile de fond un solo interminable et déchirant de Coltrane, « Impressions » et des formes inquiétantes et furtives surgissant comme par miracle des bas –fonds et « fakhman » puis « mbalitt » nous secouent brutalement pour nous marteler comme dans un disque rayé « ce n’est pas de la fiction ! ce n’est pas de la fiction ! ». Et on se bouche les oreilles…..on ferme les yeux ….. on arrête de respirer…. Mais en vain ! Dieu que cette cité est fascinante et enivrante ! Poursuivons notre voyage encore un peu…..
Et la plongée abyssale se poursuit à travers les méandres de « roukhou djinné » , sorte d’écho à nos peurs, nos phobies, nos terreurs enfantines sur le monde invisible et son cortège de génies, de djinn et de créatures fantastiques. Immersion haletante à tâtons, comme une sorte de procession initiatique à travers les lueurs blafardes des « sondels »………
bye bye ……courant !!! C’est le règne de la pénombre !!!!
Et on est happé et propulsé dans le ballet burlesque des bouchons, de la dispute du centimètre de bitume, du smog, du « tinta….marre ! » et du « brou…ha !ha ! » et heureusement qu’on parvient à en rire…entre deux quintes de toux gratuitement dispensées par « grand dakar fass…. » et « grawoul » la vie continue, Dieu est grand !
Quelle sombre beauté dans ce chaos fantastique ! « Et ils y vivent ! Et ils sourient !……il y a forcément un truc, c’est sûr……je le découvrirai à mon prochain voyage !
J’appréhende déjà mon retour . Mon univers structuré, réglementé, aseptisé, m’attend….et j’ai subitement peur ….. Dakar me manque déjà !!!!!
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Expo Akeba à Dakar

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