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Message personnel à M. Le Directeur de la SNCF

Posted in Vie quotidienne by hadyba on janvier 26, 2009

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Monsieur le directeur,

Depuis quelques années que je prends le RER de banlieue, j’ai appris à renoncer à cette exigence absolument exorbitante selon laquelle la compagnie de transport que je paie pour me rendre au travail me devait une fiabilité de ses horaires. Étant donné que normalement je mets trois quart d’heure pour arriver au centre de Paris, la stratégie est assez simple: il suffit d’arriver à la gare avec 90mn d’avance et je suis généralement sûr d’arriver à tous mes rendez-vous en avance. Les inconscients qui s’obstinent à calculer leur temps de trajet au plus juste et qui après viennent se plaindre sous prétexte que le train a eu 5mn de retard et que de ce fait ils ont raté leur correspondance et sont arrivés avec 30mn de retard à leur rendez-vous m’horripilent tout comme ils doivent vous horripiler. Que ces inconscients soient parfois des mères de famille qui, soi-disant, ne peuvent décemment pas réveiller leurs enfants à 5h du matin (voire à 4h45mn quand le RV est à 7h) ne me les rends pas plus sympathiques. Je suis résolument de votre coté: s’ils n’apprennent pas à leurs mioches que parfois on est obligé de réveiller aux aurores dès l’enfance, comment voulez vous que ces derniers deviennent de dociles esclaves d’honnêtes citoyens? Si je vous expose, Monsieur le directeur, mon renoncement à une partie de mon sommeil matinal, c’est pour que vous compreniez bien que j’apprécie au plus haut point la difficulté de la tâche qui est la vôtre.

Une autre exigence à laquelle j’ai renoncé, Monsieur le directeur, est celle de prendre un train à l’odeur neutre et à propreté irréprochable. Ayant de temps à autre emprunté des trains TGV, j’ai eu la révélation qu’un train pouvait être impeccablement propre et avoir une odeur agréable tout en étant presque plein à craquer. Il est cependant évident que je ne saurais avoir la prétention de comparer mon pauvre RER de banlieue avec un TGV. Ce dernier est emprunté par des individus respectables, membres éminents de la société alors que le RER est emprunté par des banlieusards qui n’ont même pas eu l’intelligence ou la bonne fortune d’habiter Paris intra muros. Je connais les impératifs sociaux qui sont les vôtres et sais qu’il vous incombe de donner à chacun un moyen de transport conforme à la classe sociale qui est la sienne. Si les banlieusards avaient des trains de qualité, qui sait où cela pourrait nous mener? Ne se mettraient-ils pas à exiger des bus de qualité, un habitat de qualité, des services publics voire même des écoles de qualité pour leurs enfants? La pente savonneuse de l’amélioration des conditions de vie des personnes qui empruntent quotidiennement le RER ne saurait être empruntée sans péril et je vous sais gré de ne le faire qu’avec une louable lenteur.

Malgré tout, Monsieur le directeur, j’ai une doléance. Oh rassurez-vous, une toute petite, que dis-je? Une minuscule doléance Monsieur le directeur.

Je sais donc monsieur le directeur que nos RER ne sauraient arriver à l’heure, ne sauraient être trop propre ni ne sauraient sentir la rose. Je le sais, le comprends et l’accepte. Ce que je vous demande monsieur le directeur, avec tout le respect qui est du à votre rang [et je m’excuse par avance de mon outrecuidance], c’est juste la chose suivante: se pourrait-il que ces trains là ne soient pas trop sales?

Je suis conscient, Monsieur le directeur, qu’énoncé comme cela, sans exposer le contexte, cette requête à l’air brutale. Laissez-moi donc très respectueusement la contextualiser, Monsieur le directeur. Le 1 janvier 2009 au matin (OK, à 15h et des poussières mais un premier janvier, ça correspond aux aurores cette heure là!) j’ai pris un train de la ligne D du RER et il était vraiment d’une saleté repoussante. Entre les remugles de vomis, les canettes de bières, les restes de nourriture de la veille et la poussière poisseuse, j’ai vraiment cru que j’allais m’évanouir! Et pourtant, ayant grandi à Rufisque (deuxième ville la plus sale du Sénégal de l’aveu même de notre ancien maire) je ne suis pas une chochotte pour ces choses là. De toute manière, me suis-je dit, c’est normal et certainement pas la faute du respectable directeur de la SNCF: ces paresseux de l’entreprise de nettoyage ne sont simplement pas venus travailler en ce lendemain de fête et ce, sans en aviser leur donneur d’ordre qui, eut-il été informé, aurait trouvé une solution de rechange. Gardant ma foi en votre noble entreprise et en votre direction éclairée, Monsieur le directeur, je me suis dit que le problème serait résolu dès le lendemain. Je dois malheureusement avouer que si le lendemain les trains de la ligne D étaient légèrement plus propres que celui que j’avais emprunté la veille, ils étaient quand même d’une propreté plus que douteuse! Depuis lors et quoique j’aie pris vos trains à toutes heures du jour (mais jamais avant 6h du mat’ je l’avoue) et de la nuit, je dois avouer que les trains n’ont jamais plus atteint le niveau de saleté qui m’était habituel avant ce funeste 31 décembre 2008. Connaissant votre professionnalisme, Monsieur le directeur, la seule conclusion que je puis en tirer, c’est que sur la ligne D du RER sévit un redoutable saboteur qui cherche à vous discréditer en faisant de sorte que vos trains puent monsieur le directeur. Car oui, Monsieur le directeur, depuis le 1 janvier 2009, vos trains, du moins sur la ligne D, puent plus que de raison et au delà du supportable!

C’est donc très respectueusement, monsieur le directeur que je me permets de écrire cette lettre pour que vous signaler les activités de ce terroriste. Je suis sûr qu’une fois que vous serez au courant des agissements de ce fourbe ennemi de notre système de transport, vous ferez de sorte que nos RER retrouvent la raisonnable saleté qui les caractérisait jusqu’en l’an de grâce 2008. Je vous sais très occupé, Monsieur le directeur mais je me suis décidé à vous écrire en prenant le train de 6h45 ce matin et en me rendant compte que même ce train matinal était non seulement sale, Monsieur le directeur, mais également puant au delà du supportable.

Dans l’attente que vous sévissiez, Monsieur le directeur, je vous prie de recevoir l’assurance de ma considération distinguée. Je ne vous salue cependant pas, Monsieur le directeur, craignant de vous transmettre la puanteur de votre RER.

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