Les hommes creux
Je me demande si la presse américaine endossera sa responsabilité dans la tentative d’assassinat de la représentante Giffords, attentat qui a causé la mort de neuf personnes dont un enfant de 9 ans. Plus encore que Sarah Palin, c’est la presse soi-disant sérieuse comme CNN ou le New York Times qui sont responsables de cet attentat. McCain dans sa démagogie sans fin a recruté une cinglée n’ayant d’autre atout que son inculture crasse, ses préjugés et sa beauté comme colistière. Au lieu de systématiquement dénoncer ce choix dangereux pour leur pays, la presse l’a présenté comme un choix hardi quoique surprenant. Après la défaite du ticket républicain, une presse responsable aurait renvoyé une personne aussi manifestement inintéressante aux poubelles les plus embarrassantes de l’histoire américaine. Au lieu de quoi, depuis deux ans, il lui est offert une place de choix dans des débats politiques sur lesquelles elle n’a absolument rien d’intéressant à dire. La moindre de ses tweets sont commentés à longueur de journée et ses excentricités sont prises en considération par de soi-disant experts. Résultat des courses, tous les cinglés d’Amérique, tous les mâles blancs déclassés fantasmant sur une période durant laquelle la blancheur de leur peau pouvait leur servir de passe-droit pour écraser les minorités, se sont senti légitimés à réclamer le « retour de leur Amérique » y compris avec des armes. On a vu des cinglés se pointer à des meetings d’Obama avec un fusil et la seule réaction de la presse était de dire qu’ils exerçaient leur droit de détenir des armes conformément au sacro-saint Deuxième Amendement.
Quand en mars dernier Sarah Palin met en ligne une carte avec des cibles sur les représentants qu’il veut faire éliminer pendant les élections de 2010 parce qu’ils ont voté la loi sur l’assurance maladie, le HuffPo écrit:
Sarah Palin is targeting — yes, with gun sights — House Democrats facing tough reelection fights who voted for health care reform.
Palin’s Facebook page now carries a map featuring 20 gun sights, one for each of the Democrats targeted this year by her political action committee SarahPAC.
mais je ne suis même pas sur que la presse soi disant sérieuse ait daigné relever la chose. C’est l’une de ces vingt démocrates, Gabrielle Giffors qui a été victime de cet horrible attentat perpétré par l’un de ces mâles blancs s’imaginant vivre dans une dictature liberticide. Il y a fort à parier que la presse US ne fera même pas son autocritique et qu’elle continuera à légitimer des cinglés qui n’ont absolument rien à apporter au débat politique mais qui sont réellement dangereux pour la démocratie et le peuple américains. Et bien sûr personne n’osera pointer la responsabilité de la presse mainstream (NEw York Times, Time Mag ou Washington Post) qui n’a pas su ou voulu établir un cordon sanitaire autour d’idées et de thèses farfelues dont on n’a même pas à discuter que ce soit la prétention des intégristes chrétiens à enseigner leur créationnisme dans les salles de classe, la remise en cause de la nationalité du président en exercice, le droit des musulmans à construire une mosquée ou tout ce mouvement des Tea Parties qui regroupe des cinglés mais dont on fait semblant de croire qu’il représente une révolte populaire contre je ne sais quoi.
En écrivant ceci il me revient en mémoire certains vers d’un poème d’Eliot:
We are the hollow men We are the stuffed men Leaning together Headpiece filled with straw. Alas! Our dried voices, when We whisper together Are quiet and meaningless As wind in dry grass Or rats’ feet over broken glass In our dry cellar Shape without form, shade without colour, Paralysed force, gesture without motion; Those who have crossed With direct eyes, to death’s other Kingdom Remember us—if at all—not as lost Violent souls, but only As the hollow men The stuffed men.
ce poème se termine par les trois quatre vers suivants:
This is the way the world ends This is the way the world ends This is the way the world ends Not with a bang but a whimper.
Peut-être que le monde se termine sur un murmure quand ceux qui sont censés faire du bruit comme la presse deviennent des hommes creux, au mieux empaillés, incapables de voir et d’avertir des dangers qui sont au devant du chemin. Tout ceci est juste triste et n’est malheureusement pas l’apanage des américains.
L’assassin est sans doute un schizophrène paranoïaque qui aurait pu passer à l’acte sans ce contexte politique. Ses camarades de classe redoutaient déjà qu’il vienne les massacrer en cours.
Mais peut-être que dans un contexte différent, il aurait visé plus son ancienne Université qu’une réunion politique locale ?
Heureusement, les choses commencent déjà à changer en mieux :
http://www.balloon-juice.com/2011/01/11/south-carolina-you-yell-shit-at-the-president-we-engrave-it-on-an-assault-rifle-for-a-limited-time-only/
et cette superbe sortie de Rush Limbaugh
http://www.balloon-juice.com/2011/01/11/what-does-this-even-mean/
@Tom Roud: Je suis un optimiste concernant la nature humaine… Vraiment un optimiste. Mais j’avoue que c’est trop dur d’avoir en face des cinglés pareils. Le pire, c’est que quand tu dis que ce sont des cinglés, on t’accuse d’alimenter un climat de haine dans lequel chacun disqualifie ses adversaires.
@Phersu: oui, apparemment un de ses camarades de fac avait écrit au NYT qu’il craignait un massacre à la Columbine et qu’il se plaçait toujours à coté de la porte pour le cas où JL sortirait un flingue.
C’est surprenant que les américains se demandent si rarement pourquoi leurs cinglés ont une telle propension à massacrer des gens avec des fusils alors que ceux de France par exemple se contentent de se bourrer d’antidépresseurs. Je suppose qu’un critère absolu de civilisation pourrait être le niveau de civilité des fous locaux!
[…] enfin de se prononcer pour faire savoir au monde que c’est bien elle la vraie victime de toute cette histoire. Avant cela, dans le WaPo, Krauthammer avait déja insinué que seule la folie (ou alors des idées […]