Hady Ba's weblog

Philosophes hypocrites

Posted in Oh my God!, Philosophie by hadyba on avril 21, 2011

Le pays où vous avez choisi d’installer une filiale de votre université arrête un de vos profs parce qu’il a fait un usage trop généreux de sa liberté de penser. Comment réagissez-vous? C’est une colle, je dois préciser que vous êtes vous-même philosophe, spécialiste de Leibniz et de Kant et que vous avez courageusement signé une pétition contre les scandaleuses lois mémorielles françaises. Alors? Vous protestez et menacez de déménager votre université sous des cieux plus cléments bien sûr! En fait, non: jugez-en vous même:

Joint par Rue89, Michel Fichant, directeur de l’UFR de philosophie de Paris-Sorbonne et membre du conseil d’administration de la fac d’Abu Dhabi, nie tout lien avec Nasser bin Ghaith :

« Comme de nombreux professeurs, il fait partie des intervenants extérieurs qui enseignent de temps à autre, il est venu une fois l’an passé et une fois cette année. Il ne fait pas partie du personnel de l’université, c’est une affaire émirienne. Ce sont des choses qui peuvent arriver, nous sommes impuissants comme nous le serions ailleurs. Un avocat s’en occupe, nous n’avons pas à nous en mêler. »

Pour mémoire, Monique Canto-Sperber aussi est philosophe.

Décidément, les philosophes n’en sont pas à un paradoxe près.

Aux douaniers du Parisien

Posted in France, immigration by hadyba on avril 21, 2011

Le Parisien d’il y a deux jours avait ce sondage selon lequel la majorité des français pensent que « l’intégration ne marche pas »:

Les trois-quarts des Français jugent que les étrangers ne font « pas suffisamment d’efforts pour vivre harmonieusement en France », selon une enquête réalisée par Harris Interactive et publiée mercredi par Le Parisien/Aujourd’hui en France.

Selon ce sondage, 76% des Français estiment que les étrangers ne font pas assez d’efforts pour s’intégrer, tandis que 54% d’entre eux jugent que la société française fait suffisamment d’efforts pour permettre aux étrangers de s’intégrer.

En même temps, 66% des personnes interrogées pensent que l’intégration des étrangers fonctionne très mal ou plutôt mal.

Encore une fois, je dois avouer que je suis d’accord avec les idiots (non, tu ne peux pas écrire ça), les racistes (non plus) les français-du-Parisien. En tant qu’étranger, je sais de quoi je parle.

Bien sûr que l’État français fait tout pour nous intégrer! Savez-vous, chers  idiots (non, tu ne peux pas écrire ça), racistes (non plus) français-du-Parisien, que renouveler mon titre de séjour est une épreuve annuelle qui essaie de m’inculquer l’obéissance sans discussion à des règles absurdes et l’endurance physique indispensable à la vie harmonieuse en France? Savez-vous qu’en votre nom, chers  idiots (non, tu ne peux pas écrire ça), racistes (non plus) français-du-Parisien, la Préfecture m’a fait faire la queue de 9h à 14h45, sans possibilité de m’asseoir, ni même d’aller aux toilettes. Cette épreuve d’endurance étant le préalable à la réception d’un ticket qui m’a permis (générosité ultime!) de re-faire la queue pour rencontrer une guichetière débordée à qui remettre mon dossier en mains propres? Savez-vous enfin, chers lecteurs du Parisien que quand j’y retournerai pour récupérer mon titre de séjour annuel, la Préfecture me demandera de lui payer une centaine d’euros (un peu moins mais ne chipotons pas) en droits de timbre lors même que mon employeur aura également payé la Préfecture pour avoir le droit de me recruter. Ce faisant, l’État français m’intègre en m’enseignant les vertus de l’imposition et en me montrant que ce n’est pas parce que l’on paie pour un service (la délivrance des titres des séjours) que l’on doit s’attendre à ce que ce service soit rendu avec humanité.

Je vous le confirme donc, chers  idiots (non, tu ne peux pas écrire ça), racistes (non plus) français-du-Parisien, votre État fait tout pour m’inculquer les valeurs que VOUS représentez et qui sont de plus en plus répandues dans ce pays. Ces valeurs étant la cruauté envers les plus faibles, l’égoïsme et l’absence d’empathie. Bien sûr, la plupart des français ne partagent pas ces valeurs mais votre journal a raison de faire comme si elles étaient majoritaires dans la société: elles semblent de nos jours être celles de l’élite française qui désigne ses migrants comme bouc émissaires et se refuse obstinément à mener des politiques qui pourraient bénéficier aux plus faibles, qu’ils soient français ou étrangers. Mais je m’égare.

Je disais donc que j’étais d’accord avec vous, chers  idiots (non, tu ne peux pas écrire ça), racistes (non plus) français-du-Parisien. Je le suis encore plus quand vous affirmez majoritairement les immigrés ne font pas suffisamment d’efforts pour s’intégrer. Là, vous touchez du doigt le noeud du problème et j’admire votre sagacité. Prenez toujours mon exemple. Je sais que je ne suis pas représentatif parce que je ne prie pas dans les rues et n’oblige pas ma femme (que je n’ai d’ailleurs pas) à mettre une burqa. Je fais même de la recherche dans une université pas trop nulle où je travaille avec beaucoup de vrais français. Vous vous attendriez donc que je fasse des efforts pour m’intégrer. Montrer ma reconnaissance et tout ça. Eh bien, vous savez quoi, chers  idiots (non, tu ne peux pas écrire ça), racistes (non plus) français-du-Parisien, je n’en fais rien. Je n’essaie pas spécialement de fréquenter ces vrais français en dehors du boulot. Oh il arrive que certains d’entre eux deviennent mes amis. Mais ce n’est jamais suite à un effort réfléchi de ma part tendant à favoriser mon intégration que cela arrive. Il se trouve juste que ça arrive comme ça pourrait arriver avec n’importe quels êtres humains normaux. Aucun effort d’intégration je vous dis! Par exemple, certes je n’habite pas un ghetto ethnique comme Mantes la Jolie où s’entassent mes congénères immigrés, mais devinez ce que je fais quand je rentre à la maison! Eh bien, souvent je mange de la cuisine sénégalaise, parce que mes colocataires sont sénégalais. Nous avons reproduit, au coeur d’un quartier « normal » (on se comprend), notre propre ghetto ethnique. Pis encore, alors que nous sommes parfaitement capables de parler français (sans doute mieux que vous d’ailleurs chers  idiots (non, tu ne peux pas écrire ça), racistes (non plus) français-du-Parisien), nous communiquons entre nous en utilisant une langue un obscur dialecte africain: le wolof. Sachant que c’est par la maîtrise et la pratique de la langue que se jugent désormais l’intégration à la nation française, vous voyez bien là, chers et sagaces  idiots (non, tu ne peux pas écrire ça), racistes (non plus) français-du-Parisien à quel point nous nous refusons à l’assimilation.

Pour comprendre le titre, se reporter à ce sketch du génial Fernand Reynaud qui connaissait si bien les lecteurs du Parisiens.

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