République irréprochable
Dans le Libé d’aujourd’hui, la comptable de Mme Bettencourt:
J’ai indiqué à Patrice de Maistre que je ne pouvais pas lui remettre la somme qu’il me demandait, ce qui l’a énervé. Il a fini par me dire : « Donnez-moi ce que vous pouvez. » J’ai donc remis 50000 euros en espèces à Mme Bettencourt, qui les lui a remis en ma présence. Il souhaitait que l’enveloppe transite par elle pour ne pas avoir à signer de reçu. Il lui a expliqué brièvement que l’argent était destiné à Éric Woerth, mais à cette période Madame n’allait pas bien. Elle n’a donc pas compris.
Plus loin :
Début 2008, je me suis rendue à la remise de la Légion d’honneur de Patrice de Maistre. Je n’étais pas à l’aise car je me demandais bien ce que je faisais là. Ce n’est que plus tard que je me suis rendue compte de l’enchainement des évènements… La remise d’espèces à Eric Woerth et la légion d’honneur à de Maistre.
Oh… in cauda venenum :
Initialement, la remise de cette Légion d’honneur devait intervenir le 19 novembre 2007, jour du décès de monsieur Bettencourt. Je me souviens que de Maistre avait été contrarié de devoir l’annuler.
Au cas où vous vous poseriez la question, le whistleblowing coûte cher : la dame n’a plus de travail, son mari ne gère plus sa boite parce que la police a confisqué son outil de travail et ils sont l’objet d’un contrôle fiscal. Sinon, on est dans une République Irréprochable.
Salmonades
Christian Salmon dans Le Monde Mag du weekend dernier sur la sveltesse acquise de François Hollande :
“René Girard a vu récemment dans l’obsession de la maigreur une forme étendue de la vieille rivalité mimétique qui oppose les hommes de pouvoir, rappelant que « Le Jules César de Shakespeare se méfie de la minceur de Cassius »”
C’est quand même du grand n’importe quoi, non ? Si la maigreur est devenue désirable dans les sociétés occidentales contemporaines, c’est que dans ces dernières la disponibilité de la nourriture est telle qu’il est infiniment plus facile de prendre du poids que d’en perdre. Du coup maigrir suppose de faire preuve d’une volonté sans faille et/ou d’avoir un métabolisme qui nous maintient mince quels que soient nos excès. Dans les deux cas, c’est là un avantage sélectif non négligeable qui nous fera échapper par exemple aux maladies cardiovasculaires et surtout, c’est rare.
Tant qu’à citer des auteurs morts pour faire joli et impressionner le chaland, Salmon et Girard auraient pu citer, en latin, la dernière proposition de l’Éthique et surtout le commentaire qu’en fait Spinoza i.e. tout ce laïus sur le fait que l’ignorant est gouverné par ses appétits sensuels alors que le Sage voit se réduire ses appétits sensuels non par ascétisme mais parce que c’est là une conséquence de sa sagesse qui lui fait désirer et poursuivre les vraies valeurs et renoncer à l’accessoire. Hollande maigrissant est donc selon Spinoza* bla bla bla**. Bien sûr, à un moment donné, il faudrait réussir à placer le « Tout ce qui est beau est difficile autant que rare » qui clôt l’éthique pour montrer pourquoi nous avons raison de tomber sous le charme d’un Hollande amaigri. La difficulté qu’il a surmontée en maigrissant est bien évidemment une métaphore des difficultés qui l’attendent en tant que chef de l’État et qu’il surmontera tout aussi bien.
PS : Ceci dit, la bonne nouvelle de l’article de Salmon, c’est qu’un philosophe au chômage pourra toujours vendre des textes faussement pertinents au Monde Mag. Je garde ça dans un coin de ma tête. Juste au cas où…
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*Qui, on s’en doute, n’avait que FH en tête quand il écrivait l’éthique
**On pourrait continuer des heures et on utiliserait Nietzsche pour faire l’antithèse
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