Karim Wade (presque) en prison
Quand Karim Wade avait été nommé ministre de la Coopération Internationale du Transport aérien, de l’Aménagement du territoire et des Infrastructures en 2009, j’avais automatiquement parlé de Ministère du Pillage du Pays pour désigner un ministère hypertrophié qui gérait exactement la moitié du budget national (400 milliards de FCA/ 615 millions d’euros). Avant cela, Karim Wade gérait une agence nationale, créée de toute pièce pour lui et qui avait également contrôlé à peu près le même budget annuel de 2004 à 2009.
La question n’était donc pas, pour moi, de savoir s’il avait activement pillé le budget national mais si nos nouvelles autorités avaient la volonté de traquer le fruit de ses rapines. Apparemment, le Procureur de notre Cour de Répression de l’Enrichissement illicite a au moins réussi à faire remonter un milliard d’euros mal acquis vers Karim Wade. Comme dans toute bonne série B qui se respecte, le mode opératoire du criminel a même été repéré. Les criminels étant essentiellement paresseux, c’est la même signature qui se retrouve dans la plupart des affaires financières auxquelles il est mêlé. En gros il approchait une respectable société (Dubai Ports, Menzies Aviations…), lui proposait de créer au Sénégal une franchise que la société mère ne contrôlerait pas. En échange de son nom, la société mère recevait une participation minime dans une affaire lucrative. Grace à ce montage, les sénégalais croyaient avoir affaire à la filiale d’une boite internationalement reconnue alors qu’en fait la franchise appartenait à Karim Wade via des montages financiers off shore et divers prête noms.
Aussi, la société Ahs (African handling service) implantée à Dakar n’appartient pas à Menzie aviation (une société londonienne). En fait, note l’enquête sur l’enrichissement illicite, l’aéroport Léopold Sédar Senghor est desservi par une société dénommée Ahs Limited dont les comptes sont ouverts aux îles vierges. Elle est la propriété à 99% d’une société de droit luxembourgeois, Menzie Middle East and Africa, qui appartiendrait à Karim Wade. «C’est cette même société qui gère l’assistance au sol dans d’autres pays comme au Ghana, en Jordanie, à Malabo (Guinée équatoriale)…. Nous n’avons jamais dit que l’aéroport de Malabo appartenait à Karim Wade. A Malabo, c’est la société Adge qui gère l’assistance au sol. Et cette société est détenue en majorité par Ahs/limited, une propriété de Karim Wade», note l’Obs qui ajoute que l’enquête a pu déterminer que Ahs/Limited (de Karim Wade) a acquis les franchises de Menzie aviation de Londres contre le versement de 7% de toutes ses retombées financières. Il y a également une clause qui oblige Ahs/Limited à s’approvisionner à Menzie aviation.
«L’enquête nous a permis de savoir que l’essentiel des entreprises appartenant à Karim Wade sont implantées sur la base d’homonymie. Par exemple, Dpw Dakar n’appartient pas à l’Emir de Dubaï et Ahs n’est pas une propriété de Menzie aviation, une société londonienne», nous expliquent des sources proches de l’enquête. Elles sont de droit luxembourgeois, panaméen ou britannique et ses comptes bancaires sont à Monaco pour la plupart. Ce qu’on a également pu déceler c’est que ce sont toutes des sociétés off shore avec des administrateurs non-actionnaires. Même la compagnie Sénégal Airlines est détenue en majorité par une société de droit panaméen agissant pour le compte de Karim Wade»
En tant que ministre et fils de son père, il était facile à Karim Wade d’attribuer des marchés à ses propres sociétés siphonnant ainsi une bonne partie du budget national.
On pourrait penser qu’il n’y a là qu’un classique conflit d’intérêt comme on en voit partout dans le monde mais en fait, c’est bien plus grave que ça. Notre ministre actuel des infrastructures et des transports expliquait hier dans un journal de la place comment de 2009 à 2012 par exemple 2,9milliards de FCFA avaient été facturé aux Aéroports du Sénégal sans aucune contrepartie, ce qui remettait directement en cause la viabilité de nos aéroports. Karim ne faisait pas du business, il rackettait l’État du Sénégal à travers ses sociétés écrans.
Comme dans toute série B également, il y a le traitre qui se met à table dès que les flics insistent un peu. En l’occurrence, un ami d’internat de Karim Wade qu’il avait fait venir au Sénégal pour lui servir de prête nom:
« A l’examen des pièces comptables à la base de la création de ces sociétés, les enquêteurs ont découvert que toutes les sommes avaient été versées en liquide par le chauffeur de Karim Wade, Victor Tendeng. Il apparaît aussi, que toutes ces sociétés avaient le même propriétaire en la personne de Patrick Joseph Ady Williams ». Ce dernier, souligne le confrère, « a été directeur général de Sénégal Handling Services, jusqu’à une période récente ». Au sujet de Patrick Joseph Ady Williams, il est le camarade d’internat de Karim Wade au collège Saint-Martin à Pontoise en France entre 1984 et 1988.
Williams affirme que « c’est Karim Wade qui l’a fait venir au Sénégal pour lui demander de porter certaines affaires qu’il comptait mettre en place », révèle le Quotidien.
« Je suis fils de chef d’Etat et j’occupe certaines fonctions officielles, cela fera désordre que mon nom apparaisse dans certaines transactions commerciales surtout que je compte mener des activités politiques », aurait déclaré Wade fils à Williams aux enquêteurs.
« Après que Karim Wade avait fait venir la notaire à son bureau pour nous présenter l’un à l’autre, je passais au cabinet de la notaire pour signer les documents chaque fois que Me Patricia Lake Diop me le demandait de la faire », s’est défendu Williams qui, confronté à Karim Wade, a maintenu ne rien savoir de ces sociétés créées en son nom.
Maintenant, Karim Wade a un mois pour expliquer au procureur l’origine de ce qui a été retracé vers lui. Sans explication satisfaisante, le dossier sera transmis à un juge pour poursuites. Quant à moi, je suis persuadé que ce qu’on a retracé vers lui n’est que la pointe de l’iceberg. J’espère que même après qu’il sera allé en prison, les enquêtes continueront et qu’on récupérera tout le fric qu’il nous a volé.
Après, on s’occupera de son père dont on a assez d’élément pour le juger pour haute trahison puisqu’il a lui-même avoué, pendant la dernière campagne électorale, qu’il avait financé les rebelles casamançais.
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