Hady Ba's weblog

Le Président contre le peuple

Posted in Politique, Sénégal by hadyba on février 17, 2016

Il y a un mois, j’écrivais ici même :

Puisqu’avec moi, il faut que tout devienne politique, ça m’a fait penser à notre vie politique actuelle. Macky Sall cherche désespérément le moyen de se délier de sa promesse de réduire son mandat. Une des choses qui avaient été les plus désastreuses pour Wade, bien plus que sa corruption, est son fameux : « Maa waxoon, waxeet » (« C’est moi qui l’avais dit, je me dédis donc! » à propos de sa promesse antérieure de ne jamais briguer un troisième mandat) Cette formule avait fait l’effet d’une bombe et fait éclater à la face de tous que Wade était vieillard cynique et sans honneur qu’il serait déshonorant de garder comme dirigeant. En voyant le Professeur Ismaila Madior Fall essayer de trouver une porte de sortie au Président Sall, ma première réaction était: « Mais les politiciens ne peuvent-ils donc jamais apprendre des erreurs de leurs prédécesseurs? » Peut-être ma bourde répond-t-elle à cette question: Macky Sall serait aussi peu intelligent que moi. Dans mon cas, ce n’est pas bien grave, je n’ai pas encore de responsabilités, je suis en train d’apprendre et ai de très bon mentors. Dans le cas d’un homme dont les décisions engagent la Nation en revanche…

L’expédient trouvé par Macky Sall a consisté à demander l’avis du Conseil Constitutionnel sur la rétroactivité éventuelle d’une modification constitutionnelle, à se voir répondre que nos Cinq Singes pardon Sages n’aiment pas les lois rétroactives et à en conclure que l’avis du Conseil le liant, il n’a vraiment d’autre choix que de continuer à jouir du pouvoir pour deux années de plus contrairement à son désir le plus profond. Il n’est même pas besoin d’argumenter contre un acte aussi méprisable.

  1. Une promesse réaffirmée à plusieurs reprises sur toutes les plateformes doit être respectée, quel qu’en soit le prix.
  2. Un AVIS du Conseil Constitutionnel est un AVIS pour une bonne raison : c’est un AVIS, EN AUCUN CAS UNE DÉCISION. (J’ai même honte d’écrire une telle platitude.) Le Président a pris soin, durant tout son discours, de nommer DÉCISION ce qui n’est qu’un AVIS des Cinq Singes pardon
  3. Si personne –les juristes moins que tout autre– n’aime les lois rétroactives qui sont sources d’insécurité, il y a cependant des circonstances dans lesquelles de telles lois sont parfaitement acceptables. En l’occurrence, le peuple entier modulo quelques carriéristes et corrompus à la solde de ce pouvoir, veut de cette modification constitutionnelle et de son applicabilité immédiate.
  4. Je veux bien croire que le Président est entouré de pieds nickelés mais je ne puis croire qu’aucun d’eux n’est au courant du Précédent Poutine. Le Président pourrait faire passer la modification constitutionnelle, démissionner, laisser le pouvoir au Président de l’Assemblée, se faire nommer Premier Ministre, organiser des élections auxquelles il se représenterait, etc.

Le Président et ses affidés essaient de nous faire croire que c’est librement que Macky Sall avait décidé de réduire son mandat de sept à cinq ans et que donc son incapacité à tenir cette promesse ne saurait lui être reprochée parce que c’était une promesse libre faite sans contrainte et qu’il a essayé de tenir par tous les moyens mais que son sens scrupuleux de la séparation des pouvoirs l’empêche de tenir sauf à violer la loi fondamentale. Rappelons déjà qu’on parle de l’honorable gentleman qui, ministre de l’intérieur, avait tabassé un président de bureau de vote pour voter sans carte d’identité, qui, Président de la République, continue à présider un Conseil Supérieur de la Magistrature se tenant au Palais, s’est prononcé sur la culpabilité de Karim Wade avant le verdict, se permet de ralentir ou d’accélérer les enquêtes pour corruption au gré de ses alliances politiques et récupère de présumés délinquants dans son entreprise de massification de son parti politique. Cet honorable gentleman donc, sous prétexte de respect scrupuleux de la loi, veut violer une promesse électorale. Par ailleurs cette promesse n’a pas été consentie sans contrepartie. Le consensus qui prévalait en 2012 était qu’il fallait que le prochain président s’engageât à faire un quinquennat plutôt qu’un septennat. Ce consensus était porté par des organisations de la société civile comme le M23. C’est devant ces organisations que le futur Président de la République s’était engagé, entre les deux tours, à réduire son mandat et à appliquer le programme des Assises Nationales. Cette promesse a donc été faite dans un contexte ou le Président avait besoin du soutien de ces organisations pour gagner la Présidentielle et n’est en aucun cas une grâce que le Président de la République voulait nous accorder en vertu de son bon vouloir et de son sens démocratique.

Comme toujours avec Macky Sall, ce qui m’énerve c’est que c’est un Wade au petit pied qui fait perdre du temps au pays. Il a maintenu le suspense pendant quatre ans, a essayé les expédients les plus médiocres, n’a strictement rien fait sur le plan politique et finit par se ridiculiser. Ce qui va se passer maintenant, c’est que nous aurons pendant deux ans un Président délégitimé qui se fera contester partout où il passera. Le pays deviendra ingouvernable à l’instar de ce qui se passe déjà à l’Assemblée Nationale où les tripatouillages d’une majorité téléguidée du Palais ont tellement abaissé l’Institution que, pour la première fois de notre histoire, nous assistons à des pugilats entre députés. Personne ne peut, au bout de quatre ans de mandat, citer plus de trois réalisations incontestablement positives de ce Président. Les deux années qui arrivent seront pires : le pays perdra son temps en querelles stériles de politiciens. L’Administration, qui se sent déjà insultée par Macky Sall qui l’a à plusieurs reprises décrétée incompétente, n’aura aucune loyauté envers un Président qui vient violer de manière aussi obscène son serment. Les populations sortiront dans la rue pour un oui ou un non (coupures d’électricité ; absence de profs de philo ou de maths dans les écoles)

Il me semble évident que le Président n’a désormais strictement aucune chance de se faire réélire. Il s’est assuré de ce fait en déclarant la guerre au peuple avec le discours d’hier soir. En plus, il a donné deux ans à son opposition pour s’organiser. J’espère juste qu’après son départ, nous jugerons les crimes économiques que sa nomenklatura est actuellement en train de commettre.

3 Réponses

Subscribe to comments with RSS.

  1. […] Ismaila Madior FALL justifiant la forfaiture de son patron Macky […]

  2. Aucune chance | Hady Ba's weblog said, on mars 23, 2016 at 11:38

    […] Moi, le 17 février 2015: […]

  3. […] Macky Sall est un beau gachis. Il a été notre premier président né après les indépendances. Il vient d’un milieu démuni. Il a été en butte à l’arbitraire de Wade et a réussi à le détrôner. Il est relativement jeune. Il aurait pu –il aurait du– être le meilleur président que le Sénégal ait jamais connu. Celui qui redresserait notre pays, reconstruirait notre pacte social en assurant l’équité. Celui qui, parce qu’il est un produit de l’école publique, veillerait à ce que nul enfant de ce pays ne se promène en haillons sur nos routes à mendier quand les enfants des plus nantis sont en classe. Malheureusement, il n’en a rien été. Venu à un moment historique où il aurait pu mettre à la retraite tous les vieux politiciens qui, depuis 40 ans ont systématiquement dévoyé notre patrimoine, il a choisi de s’entourer des plus roués d’entre eux. Il a maintenu en vie le système que les sénégalais avaient clairement rejeté en l’élisant. Il a manqué à sa parole sur la réduction de son mandat. Il a bâclé les procès qu’exigeait le peuple et a dealé avec Karim Wade pour le laisser quitter le pays. Il a instrumentalisé la justice pour enfermer un autre opposant qui aurait pu lui faire de l’ombre. Il a élevé la corruption en mode de gouvernement, protégeant ostensiblement ceux des siens qui avaient été épinglés par les organes de contrôles étatiques. Il a normalisé les conflits d’intérêts en confiant à des membres de sa famille des postes dans lesquels ils contrôlent des ressources étatiques extrêmement importantes et pour lesquels ils sont loin d’être les plus compétents. Alors que durant sa campagne électorale il s’était affiché en protecteur de la laïcité, il a gouverné en s’aplatissant devant les religieux leur montrant ostensiblement qu’il était prêt à partager les ressources de l’État avec eux, à condition qu’ils le soutiennent. Il a par ailleurs systématiquement calomnié ses propres fonctionnaires qui servent loyalement le pays pour des salaires souvent très bas. Il a enfin renforcé la tutelle de la France sur le Sénégal, donnant aux entreprises françaises des contrats faramineux et les payant rubis sur l’ongle là où le privé national est exsangue parce que l’État ne lui paie l’argent qu’il lui doit qu’au compte goutte. D’un point de vue égoïste, Macky Sall m’a été bénéfique, nous les universitaires avons eu une augmentation de salaire sous son règne. Sur le plan de l’intérêt de l’Université sénégalaise, il est catastrophique. Nos étudiants ont vu leurs droits d’inscription multipliés par dix pour un service toujours aussi mauvais. Les créations de postes sont anecdotiques, les universités qui devaient être construites pour faire face à l’augmentation démographique ne l’ont pas été. On a créé une Université Virtuelle du Sénégal pour y parquer des milliers d’étudiants à qui on donne des diplômes sans vraiment les former. […]


Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :