Hady Ba's weblog

Sortir du Franc CFA ?

Posted in Afrique, Economie, Françafrique by hadyba on août 27, 2017

Il est des combats dont la justesse parait évidente. Devons-nous sortir du FCFA ? Évidemment que si ! Le franc CFA n’est même plus une monnaie, c’est un symbole, c’est une survivance d’un passé criminel. C’est la preuve patente de la continuité de l’oppression dont nous autres africains sommes victimes. D’ailleurs, FCFA signifiait à l’origine Franc des Colonies Françaises d’Afrique et si le nom a changé, la chose n’a guère évoluée. La conservation des initiales est ainsi une sorte d’acte manqué à la Freud.

Je suis d’accord avec tout cela et ai bien plus de critiques encore pour le FCFA, son arrimage à l’euro, notre rapport de subordination à la France, etc. Il n’en demeure pas moins qu’en tant que philosophe, j’ai été entrainé à interroger l’évidence. Le FCFA est-il une cause ou est-il un effet ? Que se passera-t-il si nous prenons cette décision qui nous paraît évidemment bonne de sortir du FCFA sans avoir soigneusement et stratégiquement préparé notre sortie ? La garantie que nous donne la convertibilité est-elle si négligeable que ça, surtout maintenant que nous ne sommes plus dans un tête à tête délétère avec la France mais sommes de facto liés à la zone euro dans son ensemble ? Pouvons-nous jouer l’Europe contre la France pour nous libérer des accords léonins qui nous lient à cette dernière ?

Beaucoup d’activistes qui s’agitent contre le FCFA me semblent commettre deux fautes de raisonnemment assez graves :

  1. D’abord ils confondent cause et conséquence : je suis le premier à admettre que le système dans lequel nous nous mouvons est fondamentalement injuste. Nous sommes maintenus par la France dans une relation de dépendance économique. Il nous faut nous libérer de ce carcan pour nous développer. Le FCFA est l’un des constituants de ce carcan et l’un des instruments privilégiés de la domination française. Je suis tout prêt à l’admettre. Je ne crois cependant pas que le CFA soit la cause de cette domination. Cette dernière est multifactorielle. L’un des facteurs les plus importants me paraît être notre situation objective. Nos économies sont exsangues, non pas seulement parce que nous sommes politiquement dominés mais parce que nous n’avons pas suffisamment investi dans un système éducatif efficace, nous ne soignons pas notre population, nous ne promouvons pas l’efficacité économique, nous n’investissons pas suffisamment dans notre agriculture et n’éduquons pas nos paysans etc. Tous ces problèmes là ne seraient pas du tout solutionnés par une éventuelle sortie du FCFA. Il me semble que plus que le FCFA, ce sont ces facteurs là qu’il faut changer pour améliorer notre situation économique. Quand cette dernière se sera améliorée, nous aurons les cartes en main pour contrôler notre monnaie. Si nous contrôlons notre monnaie alors que notre économie et nos sociétés sont toujours dans une situation catastrophiques, cela ne servira à rien d’autre qu’à nous enfoncer davantage.
  2. Deuxième faute de raisonnement qu’ils commettent à mon avis : penser l’économie hors contexte. Ils ont cela en commun avec la plupart des économistes. Par exemple, tout le monde se souvient de la phrase de Smith sur la main invisible, très peu retiennent ce qu’il dit sur la psychologie des marchands : « une compagnie de marchands est, semble-t-il, incapable de se considérer comme un souverain, même après l’être devenu. Les marchands (…) par une étrange absurdité ne tiennent le caractère de souverain que comme accessoire à celui de marchand. » Les marchands, nous dit Smith, alors qu’ils auraient intérêt à avoir un gouvernement arbitre seraient tellement obnubilés par le profit qu’ils seraient incapables de ne pas ruiner tout pays qu’ils contrôleraient. Ce n’est nulle part ailleurs que dans La Richesse des Nations qu’il le dit pourtant, c’est passé totalement inaperçu de la plupart des économistes qui se réclament de lui et qui veulent que le rôle du gouvernement soit réduit à la portion congrue. De la même manière la plupart des penseurs qui exigent que nous sortions du FCFA ici et maintenant pensent hors contexte en ne tenant aucunement compte de notre situation politique. Une chose qui devrait nous mettre la puce à l’oreille est que Idriss Déby est partisan de la sortie du FCFA. À quel moment se retrouver dans le même camp que Déby ne vous fait-il pas réfléchir ? Déby dont la gestion de l’économie tchadienne est tellement catastrophique qu’il avait nommé son frère directeur des douanes puis s’était retrouvé obligé d’emprisonner ce même frère parce qu’il refusait de reverser les recettes douanières au trésor public. Imaginez-vous ça ? Un pays ou une personne privée s’approprie les recettes douanières ? Sortir du FCFA en l’état actuel des choses, c’est soumettre notre monnaie entre autres à Idriss Déby. Je ne fais déjà pas confiance à Macky Sall mais Idriss Déby ? !!! C’est là malheureusement notre contexte actuel. Qui vaut-il mieux pour gérer notre monnaie ? Un mixte de fonctionnaires africains et français contrôlés par l’Europe ou bien des pillards incompétents cooptés par d’inamovibles dictateurs et dont la seule préoccupation est de s’enrichir ? Je suis comme tout le monde, ça me tue de savoir que même ma monnaie n’est pas sous mon contrôle. Il n’en demeure pas moins qu’entre Idriss Déby et Jean Claude Junker ou Emmanuel Macron, je ravale ma fierté et je choisis les seconds plutôt que le premier. Avant de détricoter le délicat édifice qu’est le FCFA, je préfère réaliser un certain nombre de préalables. Le plus important de ces préalables est le fait d’avoir dans toute la zone CFA des dirigeants élus et comptables de leurs actes devant une justice indépendante. Tant que ce préalable n’est pas réalisé, je considère que le contexte n’est pas favorable à une sortie du FCFA. Parce que rien ne serait plus catastrophique et humiliant que de sortir collectivement du FCFA puis de se retrouver dix ans plus tard avec un champ de ruine et d’aller quémander l’aide de la France pour sauver notre économie. Gageons qu’elle nous ferait payer son « aide » au prix cher.

Dans tous ces débats là, vous savez ce qui m’énerve le plus ? C’est la légèreté avec laquelle nous sommes prêt à sacrifier la vie et le bien être économique de millions de nos compatriotes africains au nom d’un panafricanisme de polichinelle. J’ai beaucoup de respect pour Kako Nubukpo par exemple mais où se trouve-t-il actuellement ? À Paris à travailler pour l’AUF l’OIF Si la zone CFA s’effondrait serait-il personnellement affecté ? Beaucoup de personnes qui s’activent pour la sortie du FCFA tout de suite soit vivent en Europe ou aux USA soit sont payés par des capitaux non africains. Ils vont tenir leur posture d’Afroclowns et m’accuser d’être un nègre de maison parce que je dis que ce ne serait peut être pas une bonne idée de sortir tout de suite de la zone CFA ou de rompre avec l’occident. En attendant, moi je vis au Sénégal, avec un passeport sénégalais et suis payé par l’État du Sénégal. Je n’ai pas la latitude de tenir une posture et de jouer au révolutionnaire avec ma propre monnaie. Je contribue concrètement à créer les conditions pour que le FCFA devienne obsolète et que les termes de l’échange avec le reste du monde change.

 

Théorie de l’Afroclown

Posted in Afrique by hadyba on août 26, 2017

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C’est une litote que de dire que l’Afrique a des problèmes. Globalement, nous sommes un continent pauvre et mal gouverné. Notre population est généralement mal formée, nos systèmes de santé sont tellement mal gérés que nos hôpitaux sont des mouroirs. Nos dirigeants sont des prédateurs voraces qui vendent toutes nos ressources à vil prix aux étrangers et ne font pas grand chose pour améliorer notre sort. Quasiment tout est à faire chez nous et tout est urgent.

Pour nous sortir de nos problèmes, il y a deux démarches possibles.

·      La première est une démarche ingrate et modeste consistant à essayer d’améliorer ce que l’on peut améliorer étant donné la réalité dans laquelle on se meut. Enseigner, militer pour les droits des populations africaines, combattre les gouvernements locaux, travailler dans le système de santé, créer une entreprise, faire marcher les gouvernements locaux ; bref, cultiver son champ comme dirait Voltaire. Des millions d’Africains, dans le Continent ou ailleurs font ce modeste travail qui, cumulé, nous sortira de la fange dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Aucun pays, aucun continent ne s’est jamais développé autrement qu’avec la contribution de tout un chacun ; des enseignants et des techniciens, des paysans et des ouvriers, des infirmiers et des médecins qui quotidiennement essaient d’améliorer les choses dans des conditions exécrables.

·      La seconde démarche consiste à se contenter d’incantations, à trouver un responsable, de préférence extérieur à tous nos malheurs et à adopter une démarche Don Quichottesque en prétendant être le héros, le chevalier blanc qui sauvera son peuple. L’on veut le résultat sans le labeur quotidien qui le rend possible. L’on est alors un héros narcissique entouré d’une cour fanatisée qui nourrit notre ego en nous confirmant que nous allons sauver notre continent. De la même manière que Don Quichotte s’était choisi un combat cosmique mais somme toute consensuel : combattre le mal et défendre l’opprimé ; l’on se choisit également un puissant et cosmique adversaire et l’on s’approprie un combat consensuel. Étant donnée ses turpitudes passées et actuelles sur le continent noir, la France est toute indiquée pour jouer ce rôle d’ennemi cosmique. Quant au combat consensuel ; quant à la cause juste, nécessairement juste et à embrasser sans nuance ni réflexion ni critique, quoi de mieux que le combat contre le Franc CFA ? Bien sûr, pour mener ce genre de combat, mieux vaut s’être soi même mis en sécurité soit en vivant en France, soit en bénéficiant de la nationalité française. L’on veut bien sauver les africains et l’Afrique mais partager leur sort, se soigner dans leurs hôpitaux, enseigner ou étudier dans leurs écoles publiques, avoir un salaire africain et faire la queue pour demander un visa à chaque fois que l’on voyage ? Vous n’y pensez pas ! On n’est pas assez suicidaire pour ça. En revanche, que quelqu’un ose remettre en cause la sagesse d’une sortie inconsidérée de la zone CFA, qu’il ose même émettre le moindre doute sur la sagesse de laisser un étranger inculte n’ayant aucune qualification en économie mener ce combat et il se voit traiter au mieux d’inconscient à l’esprit lavé par la France, au pire de nègre de maison stipendié par la toute puissante France.

J’appelle Afroclowns les africains, vivant généralement en France, qui passent leur temps à combattre en paroles une France fantasmée et à jeter l’anathème sur quiconque ose les contredire. Ces Afroclowns là s’achètent à bon compte un brevet d’africanité en adoptant des positions extrêmes mais se dispensent bien de faire quoi que ce soient POUR le continent. Ils affirment nous CONSCIENTISER mais si vous y prenez garde, vous verrez que ça les dispense de travailler autrement qu’avec le verbe. Pendant que vous vous tuez à remplir des formulaires, à créer une entreprise, à soigner vos compatriotes malades, à enseigner à la future génération d’africains, à pêcher et à cultiver votre champ, ils dorment. Quand vous avez fini de faire tout ça, ils viennent vous dire que si vous êtes fatigués, c’est parce que la France vous vole et ils vous prennent un peu d’argent pour vous tenir ce discours.

L’Afrique se développera, nous nous réapproprierons notre monnaie quand nous nous serons réapproprié notre économie et notre vie politique. Cela se fera grace à des gens comme vous et moi qui avons patiemment travaillé à améliorer le sort du continent. Pas grace à des Afroclowns comme Kémi Séba, qui ne sont là que pour faire du théâtre sur notre misère et prendre un peu de ce qui ne nous a pas été volé par nos dirigeants pour nous tenir un discours soi disant révolutionnaire mais sans effet.

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Sur Macron et la colonisation

Posted in Afrique, France by hadyba on février 22, 2017

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(crédits photos Galicca via Ousmane A. Diallo sur twitter)

C’est Toni Morison qui affirmait que la fonction du racisme est de nous distraire et de nous empêcher de faire ce qui nous importe réellement. Il me semble que si ce n’est là l’une des fonctions, c’est au moins un des effets des débats franco-français sur l’Afrique en général et la colonisation, l’esclavage ou l’immigration en particulier. Prenez la question de la colonisation. À la question : « La colonisation est-elle un crime contre l’humanité ? » ma réponse rapide serait : « Oui, bien entendu. Question suivante? ». Avec les bêtises de Macron, on se retrouve à chercher des arguments pour ce qui nous paraît une position parfaitement naturelle et indiscutable.

Macron a, en quelque sorte, piégé tout le monde. Si l’on se souvient bien, c’est lui qui avait sorti une phrase sur les bienfaits de la colonisation ou autre billevesée de la même eau. Cela lui avait valu les foudres d’une partie de la gauche. J’avais compris son propos réaffirmant que la colonisation est un crime contre l’humanité comme une manière, ratée, de rattraper le coup. Fondamentalement, je crois que Macron est un bullshitter indifférent au vrai.  Ce qu’il dit n’a aucune espèce d’importance parce qu’il dirait le contraire le lendemain s’il le fallait. Par ailleurs, Macron, étant un politique français, parle de la colonisation en référence à l’Algérie. Le problème est que l’Algérie était une colonie très particulière qui pose des problèmes particuliers du fait que du drame franco-français qu’a été le retour de personnes que la France destinait à peupler l’Algérie mais non à revenir en métropole. Ce n’est donc jamais une bonne idée de parler de colonisation en général quand on parle de la relation franco-algérienne. Souvent, quand des français parlent de la colonisation, ils parlent aux français en ayant en tête le sort que de Gaule et consort ont fait aux harkis et pieds noirs. C’est là un drame français. La colonisation française, c’est un empire qui s’étendait de l’Indochine à Dakar.

Maintenant, revenons à la question de savoir si la colonisation est un crime contre l’humanité Prenons l’exemple du Sénégal pour sortir du tête à tête franco-algérien. Certains d’entre nous, les ressortissants des Quatre Communes étaient considérés comme des français de plein droit. Donc techniquement, si repentance il doit y avoir, je suppose que nous devons aussi nous repentir. Et d’ailleurs je crois que nous devrions au moins nous poser des questions sur le rôle des tirailleurs sur la répression des mouvements d’indépendance de l’Algérie à Madagascar en passant par l’Indochine. Pourquoi je dis que la colonisation est un crime contre l’humanité? Tout simplement parce que l’ONU par exemple désigne ainsi toute violation délibérée, organisée et systématique des droits fondamentaux d’un groupe humain en vertu de son appartenance à ce groupe. La colonisation a été exactement celà une violation systématique et continue des droits des indigènes sénégalais externes aux quatre communes par exemple. Ils étaient des sujets français pas des citoyens, ni même des citoyens de seconde zone. On peut faire un catalogue des horreurs de la colonisation. Du travail forcé à l’éducation différenciée en passant par la hiérarchisation des droits et l’arbitraire constant. En face, des calculateurs feront un catalogues des supposés bienfaits de cette même aventure coloniale ; depuis les dispensaires, jusqu’au routes (en oubliant pudiquement que ces routes ont été construites gratuitement, sous le fouet et dans le sang par les populations locales) et au développement de l’agriculture non vivrière. Mais en fait ces bienfaits sont incidents à l’entreprise coloniale. Par exemple, on développe la médecine coloniale parce qu’on a besoin de travailleurs sains pour servir la Métropole. On développe l’économie selon les besoins de cette même métropole. Il n’en demeure pas moins, que dans son principe même, tout comme dans son exécution continue, la colonisation a été un déni de droits fondamentaux des populations indigènes. Il me semble qu’il y a une différence entre le fait colonial et les USA par exemple. L’extermination des indiens est un crime contre l’humanité. L’esclavage atlantique est également un crime contre l’humanité qui a le même caractère constant et durable que la colonisation. En revanche, il est abusif de dire que l’aventure américaine elle même est un crime contre l’humanité pour la raison suivante. Dans son principe même, l’aventure américaine ne s’appuie pas sur un déni systématique des droits fondamentaux d’une partie de sa population.

Une inquiétude des européens est que reconnaître que la colonisation est un crime contre l’humanité et s’en repentir reviendrait à tenir les fils coupables des péchés des pères. C’est là me semble-t-il une réelle inquiétude et une inquiétude légitime. Les fils sont-ils coupables des péchés de leurs pères? Non. Clairement non. Maintenant les fils sont-ils complices des péchés de leurs pères? Seulement s’ils en font l’apologie ou non seulement refusent de les reconnaitre mais contribuent de plus, activement, à falsifier l’histoire pour en édulcorer la face peu glorieuse. Question plus difficile: les fils doivent-ils réparer les fautes des pères? Je n’ai honnêtement pas de bonne réponse. A priori je répondrai non. Mas je comprends ceux qui disent que l’Europe s’étant enrichie en suçant le sang de ses subalternes a une dette non seulement morale mais également économique envers ses anciennes colonies. Il me semble que même si théoriquement on peut défendre cette position, elle est oiseuse au vu des rapports de force géopolitiques.

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Pour Habré (et le Zimbabwe accessoirement)

Posted in Afrique, Sénégal by hadyba on juillet 20, 2015

HisseneHabre

C’est donc ce matin que le Sénégal juge Hissène Habré. J’ai rarement été d’accord avec l’ancien Président Wade mais si je trouvais ses tergiversations ignobles, j’ai toujours trouvé que son refus de juger Habré était la seule décision non seulement honorable mais également réaliste pour le Sénégal et l’Afrique. J’aurais juste préféré qu’il ait exprimé un refus clair et net de juger Habré au lieu de louvoyer avec la soi-disant communauté internationale.

Je n’ai strictement aucune sympathie pour Habré. C’est un affreux personnage, un tortionnaire, un assassin et un dictateur de la pire espèce. Je lui souhaite de mourir dans d’atroces souffrances et de griller en enfer. Je trouve malgré tout qu’il aurait du bénéficier de la protection de l’État du Sénégal contre vents et marées. Non pas, comme le disent certains parce qu’il s’est intégré à la communauté sénégalaise, a épousé une sénégalaise et a corrompu nos chefs religieux a des enfants sénégalais –ça, c’est les raisons pour lesquelles nous aurions dû le juger– mais tout simplement à cause de la continuité de l’État. À un moment en 1990, l’État du Sénégal s’est engagé à accueillir un ancien dictateur de sorte que ne se perpétue pas dans son pays une sanglante guerre civile[1]. Quoiqu’on pense du personnage, dès l’instant où l’État du Sénégal a décidé de l’accueillir et de lui accorder l’immunité, je crois que la seule attitude républicaine est de s’y tenir de manière trans-temporelle.

Par ailleurs, au delà de cet aspect républicain dont j’estime qu’il devrait suffire à clore le débat si nos dirigeants n’étaient pas des carpettes décidées à plaire à tout prix aux desiderata des occidentaux, j’estime que ce procès est dangereux pour l’Afrique. On peut le déplorer mais il y a encore des dictateurs en Afrique. Ce sont des vestiges de l’histoire mais leur pouvoir de nuisance est grand et il faudra au moins une vingtaine d’années pour que nous en soyons débarrassés. Une question qui se pose est de savoir comment nous allons nous en débarrasser. Sera-ce sanglant ou pacifique ? Ce qui pourrait inciter certains dictateurs à ne pas mourir au pouvoir, c’est la certitude qu’en cas de départ négocié, ils peuvent vivre une retraite paisible aux Almadies et que les cris de leurs victimes ne les y dérangeront jamais. S’ils savent qu’en cas de démission, ce n’est qu’une question de temps avant qu’on ne les juge, ces psychopathes préféreront, à l’instar de Bachar El-Assad bombarder leur propre peuple et mourir au pouvoir que de s’exiler et être rattrapé par la justice 25 ans plus tard. On parle ici de milliers voire de millions de morts potentiels. Je préfère un Mugabé ou un Sassou Nguessou qui se prélassent dans le luxe à Dakar à un Zimbabwe ou un Congo totalement ravagés par la guerre civile juste parce qu’ils ont peur de se faire juger quelques années après avoir volontairement cédé le pouvoir. Or, c’est exactement ce message que le procès Habré envoie à tous les dictateurs africains : accrochez-vous au pouvoir ou bien il n’y aura pas un endroit dans le vaste monde où vous pourrez tranquillement jouir de la fortune que vous avez volée. Je crains de savoir ce que ces psychopathes choisiront confrontés à une telle alternative et je ne crois pas que ce soit bénéfique à leurs victimes actuelles et futures.

Quid de la morale ? Habré, comme je l’ai dit plus haut est un horrible personnage et je suis de tout cœur avec ses victimes. Malgré tout, je crois que le plus immoral dans cette histoire, ce n’est pas que Habré ne soit pas jugé ; c’est que son jugement ne soit rien d’autre qu’une vengeance. Habré sera jugé. Gageons qu’à aucun moment ne seront évoqués ses liens avec la CIA et l’État français. Habré n’est pas n’importe quel chef de guerre inculte ; c’est d’abord un intellectuel diplômé de Sciences Po Paris et ayant pris le pouvoir, gouverné et torturé avec l’aide de puissances occidentales en guerre contre la Libye. Juger Habré en restant muet sur les bras qui l’armaient et l’aidaient à contrôler sa population, ce n’est pas de la justice, c’est du théâtre. Si Human Rights Watch veut aider les africains, je lui suggère de s’intéresser aux forces économiques qui pillent méthodiquement le continent et empêche que n’émergent de vraies démocraties. Ce sont ces forces là qui nous empêchent de mettre en place des systèmes de santé et d’éducation viables et c’est cette oppression économique là qui permet la naissance de monstres comme Habré. Juger Habré 25 ans plus tard nuira peut-être au Zimbabwe et ne fera rien pour le Niger dont Areva continuera à voler l’uranium tout en polluant la région d’extraction.

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[1] Je sais, ce n’est là que la raison officielle. La vraie raison est que le mec avait rendu de signalés services à la CIA et aux français et qu’on lui renvoyait l’ascenseur. Sur les liens entre Habré et la CIA cet article est de Foreign Policy est instructif: http://foreignpolicy.com/2014/01/24/our-man-in-africa/

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Le geste de Soumaïla

Posted in Afrique, Politique by hadyba on août 17, 2013

Tout le monde semble s’émerveiller du geste de Soumaïla Cissé. Non seulement il a félicité son victorieux adversaire, mais en plus il a pris la peine de se déplacer jusqu’au domicile privé de ce dernier pour le faire. Et il n’y est pas allé tout seul : il s’est fait accompagner de son épouse. Une fois chez le nouveau Président, les caméras nous ont montré une scène que l’on ne peut qualifier que de familiale. M. Cissé a été reçu par M. Keita en présence non seulement de son épouse mais également de ses enfants. M. Cissé a longuement péroré, reconnaissant sa défaite, félicitant son adversaire et priant pour le succès du pays. La réponse de M. Keita a été plus courte mais tout aussi cordiale.

Pendant sa prise de parole, mais également plus tard devant les journalistes nationaux et internationaux, M. Cissé a souligné la signification de son geste. En Afrique a-t-il expliqué, nous ne nous contentons pas d’un coup de fil pour féliciter notre adversaire. Surtout si cet adversaire est également un ainé. Nous nous déplaçons pour lui présenter nos respects et prier pour son succès.

Cette scène semble-t-il a plu à tout le monde. Les journalistes, éditorialistes et simples anonymes ont embouché la trompette de la « Leçon de démocratie pour l’Afrique. » Le geste de Soumaïla montrait avec quelle grâce il fallait accepter la défaite dans une démocratie. M. Cissé illustrait à quel point la synthèse des valeurs africaines de consensus et de respect des ainés avec la démocratie procédurale occidentale était bénéfique au monde entier. Personnellement, j’ai assisté à la scène en oscillant entre incrédulité et peur panique pour le Mali.

D’abord évacuons une chose : cette scène n’a rien de démocratique et encore moins de républicain. Le mélange des genres entre le public et le privé est l’ennemi juré de la République. Si M. Cissé voulait reconnaître la victoire de son adversaire en respectant les formes républicaines, il ne se serait pas déplacé à son domicile privé, en pleine nuit, flanqué de son épouse pour se faire recevoir par un IBK accompagné de son épouse et de ses enfants. Il aurait pris rendez-vous pour un entretien entre leaders politiques au bureau de M. Keita, ils auraient discuté et fait une photo op’. L’entretien au domicile privé de M. Keita en présence de leurs familles respectives relève du privé et n’avait rien à faire dans la geste politique d’une République en construction, cette République fut-elle africaine.

Ce geste est-il au moins démocratique ? Je ne crois pas, contrairement à ce que beaucoup affirment, que la recherche de consensus et la connivence entre adversaires politiques soient démocratiques. Je préfère un leader politique amer et ne reconnaissant sa défaite qu’avec difficulté. La règle du jeu démocratique veut que l’on accepte la défaite. L’élégance veut qu’on le fasse avec un semblant de bonne grâce. C’est du théâtre démocratique. Il n’en demeure pas moins que le but du jeu dans une démocratie c’est non pas l’élimination des confrontations mais leur civilisation. Les plateformes proposées par les partis politiques sont la formalisation d’options fondamentales pour l’évolution de la société. Les partis s’opposent parce que justement sur des questions extrêmement importantes et déterminant la qualité de la vie de millions de personnes, ils proposent des solutions incompatibles. Dans ce cas, perdre une élection, ce n’est pas seulement perdre l’occasion d’occuper un palais présidentiel et de faire la fortune d’un certain nombre d’obligés. C’est surtout être persuadé qu’une grande partie de la population souffrira à cause de politiques que l’on estime inadéquates et dangereuses. Ce n’est pas quelque chose dont on peut se remettre facilement. Il faut l’accepter gracieusement en se disant que le peuple a malgré tout choisi son sort mais ce n’est pas parce que l’on est Cassandre que l’on doit se réjouir de la chute de Troie.  Il y a un double impératif démocratique quand on perd des élections : d’une part faire de sorte à atténuer la portée des politiques de l’adversaire que l’on juge nocives et d’autre part préparer le pays à comprendre les idées que l’on porte de sorte qu’elles s’imposent à la prochaine échéance électorale.

Ce qui m’a paniqué en voyant Soumaïla Cissé se faire recevoir en famille par Ibrahima Boubacar Keita, c’est que je n’ai pas vu deux leaders conscients de leurs responsabilités et en sincère désaccord sur ce qu’il faudrait faire pour améliorer le sort du peuple malien. J’ai vu un homme ayant de justesse raté le poste le plus lucratif du pays aller faire allégeance au nouveau patron pour préserver ses futurs intérêts. J’espère que je me trompe et que Soumaïla Cissé assumera avec dignité et férocité le rôle de chef de l’opposition. J’en doute vraiment et si les maliens veulent se protéger de leur classe politique, ils ont intérêt à ne pas trop vite se réjouir du geste de Soumaïla Cissé et de la rhétorique des valeurs africaines. La seule question qui vaille est la suivante : si la classe politique est unie, contre qui se coalise-t-elle ? La réponse pourrait bien être : « Le Peuple ! »

 

 

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État du Sénégal vs Makaila Nguebla

Posted in Afrique, Sénégal by hadyba on mai 27, 2013

Ce qui est pathétique dans cette justification par notre gouvernement du fait d’expulser du territoire Sénégalais un réfugié politique tchadien, c’est la contradiction qui se trouve pile à la fin du communiqué.

 Après avoir déshonoré notre pays en convoquant et en virant manu militari un citoyen tchadien présent au Sénégal depuis 2005 et auquel nous avons systématiquement refusé non seulement le statut de réfugié politique mais même le moindre titre de séjour l’autorisant à légalement résider dans ce pays, notre gouvernement est à la peine face au tollé suscité au Sénégal et à l’étranger par sa forfaiture. Il est en effet difficile d’expliquer qu’un blogueur dénonçant une dictature est plus dangereux que les milliers d’étrangers dépourvus de titre de séjour qui vivent dans ce pays sans être inquiété par qui que ce soit. Surtout quand on sait que certains de ces étrangers ont gouté aux joies des prisons sénégalaises sans qu’à leur sortie nous ayons jugé que leur délinquance était un motif d’expulsion.

Même si tout ceci me fait infiniment honte, je suis heureux que la mobilisation ait lieu et ne serai satisfait que si notre gouvernement se décide à adopter la seule attitude honorable : s’excuser pour avoir inconsidérément bouleversé la vie de Makaila Nguebla et lui attribuer un document lui permettant de vivre paisiblement dans ce pays et de voyager. Nous autres, citoyens sénégalais, sommes fiers de vivre dans un pays où nous avons le droit d’user de notre liberté d’expression pour critiquer nos gouvernants. Nous n’élisons pas ces derniers pour qu’ils servent de supplétif à des dictateurs étrangers.

Revenons au communiqué en question : les amateurs qui gèrent notre communication gouvernementale essaient de nous faire gober que l’expulsion de M. Nguebla entre dans le cadre d’une opération de police routinière. Cet homme, nous disent-ils, vit au Sénégal de manière illégale, il l’a reconnu, nous l’avons expulsé du pays. Fin de l’histoire. Soit. Un crétin fini, ignorant de la présence d’étrangers sans titre de séjour au Sénégal, aurait pu gober cette histoire. Sauf que nos communicants ne peuvent s’empêcher de se vanter de leur magnanimité ruinant par là leur argumentaire. Ils affirment en effet que :

 ‘’M. Nguebla a alors reconnu être dans une situation irrégulière avant de solliciter la bienveillance des autorités sénégalaises, afin qu’il lui soit accordé la possibilité de choisir un pays d’accueil où sa sécurité serait garantie’’, a dit M. Guèye, dans le communiqué.

Cette dernière demande, poursuit la même source, lui a été accordée par lesdites autorités ‘’qui l’ont, du reste, assisté jusqu’à son départ du territoire national, le 08 mai 2013’’.

Seulement, si Monsieur Nguebla n’est pas un réfugié politique si sa vie n’est pas en danger, quelle pertinence y a-t-il à le laisser choisir un pays où sa vie ne serait pas menacée ? Si nous reconnaissons qu’il y a des pays dans lesquels sa vie serait menacée n’est-ce pas là une raison suffisante de respecter nos obligations internationales, de lui reconnaitre le statut de réfugié politique et de veiller a son intégrité physique.

PS: Je dois avouer que ce qui me consterne le plus dans cette histoire, c’est le total amateurisme dont font preuve nos autorités incapables de voir où est leur propre intérêt ainsi que celui de notre pays et encore plus incapables de donner une justification cohérente de leurs choix. Plus que leur forfaiture, c’est leur stupidité qui m’inquiète.

Mon avis sur le Mali

Posted in Afrique by hadyba on janvier 17, 2013

Il y a plein de gens que j’aime bien qui affirment que l’opération française au Mali est motivée par les plus bas intérêts économiques. Ce serait parce que le Mali disposerait d’immenses réserves minières que la France y mène une guerre impérialiste destinée à mettre en place un régime néocolonial à la botte de Paris.

Pour qui connaît l’histoire des relations franco-africaines, prêter des intentions malveillantes et cupides à la France n’est pas si irrationnel que ça. La France s’est arrangée pour maintenir son emprise sur les pays africains et piller leurs ressources bien au delà de nos théoriques indépendance. Ceci dit, il y a une contradiction fondamentale dans la théorie d’une France malveillante intervenant au Mali pour accaparer des minerais. Une France omnisciente, omnipotente et omnicupide aurait-elle en premier lieu laissé le Mali tomber dans l’escarcelle des islamistes ? Si vraiment la France était aussi cupide qu’on le dit et si le Mali était riche, pourquoi la France aurait-elle attendu une invasion islamiste avant d’exploiter les richesses maliennes ? La vérité est que le Mali est pays extrêmement pauvre. Ce n’est pas un de ces pays comme la Guinée ou le Gabon regorgeant de richesses, captées par une élite, mais dont la population croupit dans la misère la plus noire. Non, le Mali est vraiment pauvre.

D’abord le Mali se situe dans la partie nord du Sahel, ce qui signifie qu’une grande partie de son territoire est semi-désertique.  Ensuite, le pays n’a quasiment pas d’industries et l’agriculture occupe 70% de la population ce qui n’est jamais bon signe. Si la productivité agricole avait été bonne, elle n’aurait pas employée autant de mains et enfin le Mali est enclavé étant dénué de façade maritime. Pour avoir une idée de la pauvreté du pays, il faut savoir que l’argent envoyé par les émigrés maliens est l’une des principales sources de richesse du pays. Oui, je parle de l’ouvrier ou du balayeur que vous croisez en France ! Certes, le Mali extrait de l’or et est même le troisième producteur d’or d’Afrique mais d’une part elle n’en produit que 63 tonnes par an et d’autre part ses réserves seront épuisées en 2014. Et comme souvent en Afrique, cet or est exploité dans des conditions désastreuses et bénéficie très peu à l’État mais beaucoup à des compagnies étrangères[1]. Il y a également de l’uranium à Faléa mais si vous jetez un coup d’œil à la carte ci-après, vous vous rendez aisément compte que cette zone est bien éloignée de la zone de conflit.

Falea

Et puis de toute manière, la France a déjà fait main basse sur l’uranium nigérien et peut laisser filer quelques miettes maliennes. Non, franchement, le Mali est vraiment très pauvre. À tous points de vue. S’il avait été riche, la France aurait beaucoup moins tardé à intervenir.

Une chose que ceux qui s’empressent d’accuser la France se refusent à envisager, c’est la médiocrité de l’élite malienne. Encore une fois, des gens qui se veulent bienveillants envers l’Afrique agissent comme si les africains étaient des pantins désarticulés mus de l’extérieur et n’ayant aucune responsabilité dans ce qui leur arrive. Cette bienveillance paternaliste ne me paraît pas moins insultante que le discours de Sarkozy je dois dire.

Si nous nous intéressons un moment à l’élite malienne, ce qui frappe, c’est une profonde médiocrité intellectuelle et politique de gens occupant des fonctions extrêmement importantes en temps de crise. Prenons l’ancien Président Amadou Toumani Touré. Il avait juste décidé d’abandonner de facto une partie de son territoire national (Le Nord Mali) à qui en voulait à condition que les Touaregs se calment. Du coup, Touaregs et islamistes se sont alliés pour enlever les touristes occidentaux en ballade dans la sous région et les garder en otage au Mali le temps de négocier des rançons conséquentes auprès des gouvernements français, italiens ou espagnols. Longtemps, ce stratagème a semblé satisfaire tout le monde : les Touaregs, trop occupés à s’enrichir en trafiquant des blancs avaient oublié leurs revendications territoriales de fiers hommes du désert. L’Algérie était assez contente qu’Aqmi ne l’emmerde plus tant que ça. Bamako n’avait plus à gérer de revendications d’indépendance ni à corrompre des leaders Touaregs qui avaient trouvé là un bien plus lucratif business. Seuls le Niger et la Mauritanie protestaient mais on s’en fichait un peu. Ce statut quo était de toute manière fragile et ce n’était qu’une question de temps avant que les Touaregs ne se souviennent qu’ils n’avaient aucune raison d’être « les seuls blancs au monde à être dirigé par des noirs »[2] . La recherche d’un territoire leur appartenant étant d’autant plus pressante que la mort de Kadhafi les avait laissé 1)  dépourvu de parrainage étatique 2) doté d’armes grâce au pillage de l’arsenal libyen et 3) libres de s’allier effectivement avec les islamistes, ce que leur interdisait plus ou moins leur souverain libyen. Le Niger et la Mauritanie étant solides, ils choisirent de s’allier aux islamistes pour s’attaquer au Mali et en occuper tout ou partie. On peut aisément pardonner à des Touaregs d’avoir fait entrer le diable islamiste dans les luttes maliennes… Ou on peut y voir une illustration du fait que l’élite touarègue est aussi stupide que le reste de l’élite malienne et avait cru qu’elle pourrait contracter avec des fous de Dieu !

D’une certaine façon, l’exaspération qui a poussée l’armée malienne à prendre le pouvoir pouvait se comprendre. Les soldats se faisaient tuer au Nord dans l’indifférence générale de l’élite dévoyée de Bamako. En plus ils ne recevaient pas régulièrement leur solde et les veuves de soldat n’étaient pas pris en charge correctement par le gouvernement. Le problème, c’est que la révolte des militaires a été menée par un élément aussi médiocre que l’élite politique en question et tout ce qu’ils ont réussi, c’est favoriser la partition de leur propre pays en prenant le pouvoir sans y être préparé face à des rebelles surarmés. Ils ont pris un pouvoir dont ils ne savaient que faire, se sont fait très vite mettre la pâtée au Nord puis sont revenus à Bamako se conduire en enfants gâtés tyrannisant les politiciens. On se serait attendu à ce qu’une fois le Mali attaqué il y ait une union sacrée pour reconquérir le pays. L’élite malienne, non seulement a été incapable de faire preuve d’un minimum de patriotisme, mais en plus a continué ses médiocres combines dans les salons de Bamako. Prenons l’une des personnes les plus célèbres du Mali : Aminata Dramane Traoré. Elle aurait pu émerger comme un recours. Elle s’est contentée de plaquer sur la situation malienne un discours altermondialiste totalement hors contexte. Elle aurait pu rappeler ce fait simple que le Mali étant une démocratie, quels que soient les errements du président élu, l’armée n’avait aucun droit de prendre le pouvoir. Au lieu de ça, avec son groupe de pseudo intellectuels, elle a soutenu la junte dans un raisonnement surréaliste dont il ressortait que la mondialisation et l’ultralibéralisme étaient coupables. Au lieu de se focaliser sur la libération du Nord de leur pays, les politiciens maliens se sont perdus en intrigues de palais incompréhensibles et ont passé leur temps à accuser tout le monde (La France, la CEDEAO, l’Algérie) d’ingérence.

Le problème c’est que l’ingérence a justement trop tardée : le Mali est frontalier de trop de pays (9 si je compte bien) pour qu’on laisse le chaos s’y installer. Si la France n’en a rien à faire du Nord Mali et du Mali généralement, ni la France, ni les pays d’Afrique de l’ouest comme le Sénégal, le Niger, la Côte d’Ivoire etc… ne peuvent se permettre de laisser ce pays plonger dans le chaos. En tant que sénégalais, ça fait des mois que j’agonise en me demandant ce que nous attendions pour sonner la mobilisation. La vraie humiliation devrait être non pas l’intervention française mais le fait que nous ayons été incapables, un an durant de nous mettre d’accord sur un plan d’intervention et au moins de l’organiser à défaut de la financer et le mettre en œuvre. Encore une fois, nous nous sommes montrés incapables de nous prendre en main et nos pseudo intellectuels, se permettent de geindre et de crier à la néo-colonie quand une puissance occidentale défend son intérêt bien compris ; nous rendant au passage un énorme service. Bien sûr que la France est au Mali pour défendre ses intérêts mais cet intérêt n’est pas d’hypothétiques ressources minières, c’est la stabilité de toute l’Afrique de l’Ouest. La France a des investissements au Niger, au Sénégal, en Cote d’Ivoire… un Mali sous l’emprise des islamistes les menacerait. Sans parler du fait que si le Mali se transforme en Afghanistan, il est probable que des attentats auront facilement lieu en Europe via les filières d’immigration clandestines déjà existantes.

Maintenant que la France a décidé de prendre en main la situation, se posent deux questions : d’abord celle du l’unité du Mali et ensuite celle d’un éventuel enlisement français.

Pierre Haski a posé hier le premier problème et semble proposer une autonomie des Touaregs. Il ne serait pas surprenant que les français essaient de mettre en œuvre une solution semblable. Disons les choses comme elles sont, je crois que la seule raison pour laquelle les français en particulier et les occidentaux en général ont autant de sympathie pour les touaregs est ce que j’appellerait la « solidarité blanche » pour ne pas parler de racisme conscient ou inconscient (Oups, je l’ai fait 🙂 ) Les sociétés touarègues sont des sociétés esclavagistes et ce qui énerve par dessus tout ces nomades, c’est d’être dirigé par des noirs. Ils trouvent que ce n’est vraiment pas dans l’ordre naturel des choses. Une indication de ce fait est que les touaregs algériens ou marocains ne pensent même pas à se révolter. Bizarrement les gens comme Pierre Haski ne semblent jamais voir cette dimension suprématiste de la lutte Touarègue. Tout ce qui les intéresse, c’est le fait que ces derniers sont des nomades dirigés par des sédentaires. C’est idiot : les peuls sont des nomades mais noirs. Ça ne choque personne au Sénégal ou ailleurs qu’ils soient dirigés par des sédentaires. De plus, si on procède à une partition, on fait quoi des Songhaïs noirs et sédentaires qui peuplent depuis des siècles et des siècles le Nord Mali et y sont d’ailleurs majoritaires ?

La seconde question est la crainte exprimée sur twitter par David Monniaux que la France ne s’enlise. J’avoue que je ne crois pas trop à un enlisement français au Mali. Je pense que les islamistes vont soit repartir en Algérie, soit se faire massacrer jusqu’au dernier. Ceci dit, je ne suis pas un spécialiste des guerres et mes prévisions de non enlisement n’ont aucune valeur. Ce que je crains un peu plus par contre, c’est qu’une fois les islamistes repartis, il y ait une revanche des populations locales qui s’en prendrait à tout ce qui ressemble à un touareg. Le MNLA essaie de se racheter en proposant son aide à l’armée française. Je ne sais ce qui va être décidé mais des massacres de Touaregs dans les mois qui viennent ne m’étonneraient pas du tout.

Le vrai problème que je vois dans toute cette histoire est celui de l’élite malienne. Tant que les mêmes idiots règneront sur Bamako, je ne vois pas comment le Mali pourrait se stabiliser. C’est dans ce genre de moment qu’un cynique comme moi regrette un certain Jacques Foccart !


[1] Non, ne vous écriez pas « Ah ha France ! », c’est plutôt AngloGold Ashanti les méchants dans l’histoire.

[2] Ce racisme (conscient chez les premiers, inconscient chez les seconds) est un élément essentiel de la révolte Touarègue au Sahel et du soutien romantique des occidentaux pour ce peuple à mon avis.

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Ce fou est fou

Posted in Afrique, Sénégal, USA by hadyba on août 29, 2012

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Bien sûr, Yaya Jammeh est fou. Je crois que personne n’en doutais vraiment. Le mec s’est auto-proclamé PhD après quelques cours accélérés donnés par un prof britannique, a fait régner la terreur dans son pays et prétendu soigner toutes sortes de maladies, dont accessoirement le Sida, à l’aide de plantes médicinales. Il est donc incontestable qu’il est fou.

Ce fou a donc décidé, pour fêter la fin du ramadan, de faire un cadeau à son peuple: tous les prisonniers condamnés à mort seront exécutés avant la fin du mois de septembre. Parmi ces prisonniers il y a certes des prisonniers politiques mais il y a surtout des prisonniers de droit commun parmi lesquels quelques citoyens sénégalais. Par exemple l’un de ces citoyens sénégalais est une citoyenne qui a commis ce qu’au Sénégal nous verrions comme un crime passionnel et condamnerions avec une certaine légèreté. Son mari ayant pris une seconde épouse, la dame l’a ébouillanté. Et mort s’en est malheureusement suivi. Apparemment les juges gambiens sont plus sévères que les nôtres et la dame a été condamnée à la peine de mort.

Alors que nous n’avions même pas fini d’être sidéré par l’annonce de ce fou de Yaya Jammeh donc, la promesse faite aux gambiens est tenue… en commençant malencontreusement par nos concitoyens. Un autre de nos concitoyens est apparemment également dans le couloir de la mort gambien. De retour cette nuit à Dakar après une visite de travail/vacances en Afrique du Sud, mon Président semble choqué par les exécutions gambiennes et a décidé que nous (en l’occurrence notre Premier Ministre) convoquerions l’Ambassadeur de Gambie au Sénégal et exigerions qu’il soit ponctuel à ce rendez-vous:

« C’est avec consternation que j’ai appris l’exécution de deux nos compatriotes en Gambie. Mais j’ai instruit le premier ministre sur cette affaire. J’ai décidé de convoquer l’ambassadeur de la Gambie au Sénégal, pour lui faire connaitre la position du Sénégal » indique d’emblée Macky Sall.

« si demain l’ambassadeur de la Gambie ne répond à la convocation à l’heure indiquée qu’il quitte le Sénégal »

Source. (Contrairement aux apparences, je n’ai rien inventé)

Les États Unis eux-mêmes semblent choqués, exigeant que la Gambie cesse immédiatement ces exécutions.

À cela, son Excellence Cheikh Professeur Dr. Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Jammeh Naasiru Deen, Commandant en Chef des Forces Armées et Gardien de la Constitution Sacrée de Gambie répondit que la Gambie était un État Souverain appliquant son propre arsenal juridique dont fait partie intégrante la peine de mort.

Au risque de paraitre apporter mon soutien à un fou sanguinaire et à cette barbarie qu’est la peine de mort, je dois avouer que je suis totalement d’accord avec lui. J’ajouterai par ailleurs que les États Unis d’Amérique qui ont exécuté en 2011 quarante trois (43) êtres humains se plaçant ainsi cinquième derrière des pays aussi respectables que la Chine, l’Iran, l’Arabie Saoudite et l’Irak sont singulièrement mal placés pour faire la leçon à qui que ce soit sur cette question. Quant à mon Président, j’aimerais respectueusement lui signaler que si le sort de nos compatriotes condamnés en Gambie lui importait vraiment, il n’aurait pas attendu que deux d’entre eux soient exécutés pour venir gesticuler à la télé au risque de mettre encore plus en danger la vie du troisième. Il avait largement le temps de demander leur grace à son homologue et ami, son Excellence Cheikh Professeur Dr. Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Jammeh Naasiru Deen, Commandant en Chef des Forces Armées et Gardien de la Constitution Sacrée de Gambie lors de sa visite idyllique d’avril dernier. Il avait encore le temps d’appeler son homologue et ami son Excellence Cheikh Professeur Dr. Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Jammeh Naasiru Deen, Commandant en Chef des Forces Armées et Gardien de la Constitution Sacrée de Gambie après que ce dernier avait annoncé son intention de faire un cadeau aussi macabre à ses propres concitoyens. Même après l’exécution des deux premiers prisonniers, il avait toujours le temps d’essayer de sauver le troisième. Il ne l’a pas fait. Au lieu de ça il vient pérorer à l’aéroport parce que les organisations des droits de l’homme et les USA sont choqués par la folie d’un homme que tout le monde déjà savait fou. Personnellement, je réserve mon indignation à l’attitude leaders démocratiquement élus comme le mien ou Obama. Je suis beaucoup plus choqué par le fait que mon Président n’ait rien fait en amont pour sauver mes pauvres concitoyens que par l’acte de folie d’un fou sanguinaire comme Jammeh.

Et sérieusement, quelqu’un peut m’expliquer comment la Commission Africaine des Droits de l’Homme s’est débrouillée pour avoir son siège à Banjul? Non, je ne plaisante même pas, le siège de la CADH est bien situé à Banjul capitale d’une Gambie dirigée par son Excellence Cheikh Professeur Dr. Yahya Abdul-Aziz Jemus Junkung Jammeh Naasiru Deen, Commandant en Chef des Forces Armées et Gardien de la Constitution Sacrée de Gambie.

Harouna Sy shouldn’t go to Darfur

Posted in Afrique, Sénégal by hadyba on août 18, 2012

Please, the United Nations, do not send Commissaire Harouna Sy to Darfur, it would be a shame for you and an insult to the living memory of the young Senegalese demonstrators he has killed. We, people of Senegal, will see such a nomination as the demonstration that our lives are not worth anything for you and that you do not value and respect the sacrifices we made to protect our democracy.

For those who do not follow closely Senegalese politics, let me you remind you of two or three facts and tell you why the UN shouldn’t send Harouna Sy to Darfur.

Senegal has always been one of the most stable and democratic countries in Africa. In 2000 we elected opposition leader Abdoulaye Wade as President ending 40 years of political domination by the Socialist Party, then led by President Abdou Diouf. President Diouf gracefully conceded and left. We celebrated… just to end up with one of the most corrupt regime ever seen anywhere. This Business Insider’s article is pretty accurate about Wade and his gangster’s practices.

Wade got nonetheless reelected in 2007 for what should have been, according to the Senegalese Constitution, his last term. At the end of this term, Wade decided that, due to the fact that the Constitution had been revised between his first and second term, he had the right to seek a third term. This interpretation, even though challenged by almost every Senegalese legal scholar, was sanctified through a ruling by our Constitutional Court. It is probably just a coincidence that some times before this ruling, Wade had quintupled the salaries of the so called Five Wise Men composing this Court. Anyway, after the ruling Senegalese People, young and old woke up and got to the streets to defend Senegalese democracy. Riots erupted during which 12 people was killed. Commissaire Harouna Sy, then Head of Dakar Police, is directly involved in the killing of some of these people. He went far ahead his duties to protect Wade’s regime. He even asked for the Justice Department to fire Dakar’s District Attorney because this DA was reluctant to jail peaceful demonstrators. Commissaire Harouna Sy is currently at the center of an investigation by the Senegalese Justice to establish his involvement in the killing of Mamadou Diop, a graduate student. Some testimonies indicate that he asked for his subordinates to run over the demonstrators resulting in Diop’s death.

Due to his attitude when Senegalese people were struggling to preserve their freedom, Commissaire Harouna Sy is for all of us the most despicable police officer in this country and an embodiment of what police officers shouldn’t be in a democracy. He is unfit to expertise about the duties of police officers in a democratic country having been involved in a failed attempt to transform a functioning democracy into an authoritarian gerontocracy. That’s why we are deeply hurt by the United Nation’s decision to select this very man as head of a commission helping for the establishment of a Darfurian Police. Our hope is that our protests will be heard and the UN will give Senegalese justice time to investigate commissaire Harouna Sy’s crimes. This investigation would be delayed by a mission to Darfur. Sending Harouna Sy to Darfur would mean that the UN doesn’t respect our struggles for values we consider should be at the center of the UN’s mission. This nomination would also mean that the UN isn’t serious about its effort to help out Darfur set up a Police Force truly interested in protecting the rights of the citizens as opposed to the desiderata of the powerful.

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Ruine ou espoir?

Posted in Afrique, Sénégal by hadyba on août 15, 2012

Il se trouve que je suis actuellement en train de vadrouiller au Sénégal avec une française dont c’est la première visite. Et c’est très intéressant de voir le point de vue. Je remarque désormais des choses qui m’étaient trop familières pour que je les voie. Par exemple, quand vous marchez dans un quartier normal du Sénégal, quel qu’il soit, vous voyez des bâtiments à différents stades d’achèvement. C’est le cas par exemple des deux immeubles ci dessous:

A part dans les Sicap, il est très rare de se promener dans un quartier à l’architecture homogène et dont les maisons sont des copies conformes l’une de l’autre. Il y a souvent des maisons mitoyennes dont l’une peut faire cinq étages alors que sa voisine immédiate à gauche n’en fait qu’un et sa voisine de droite n’a pas d’étages du tout. Il y a également parfois ce que nous appelons des « terrains vagues » entre les maisons i.e. des terrains à usage d’habitation mais sur lesquels rien n’est encore édifié. Sur de tels terrains il peut y avoir, au choix, des mauvaises herbes, une famille pauvre qui s’installe en édifiant illégalement une hutte ou juste du sable ce qui en fait un terrain de foot improvisé pour les gamins du quartier.

Ce que je viens de décrire m’est tellement habituel que je n’y pense pour ainsi dire jamais. Quand je suis à quelque part au Sénégal, ça ne me paraît ni remarquable, ni intéressant. Une autre chose que je ne remarque pas non plus est qu’il y a dans les quartiers déjà résidentiels des maisons à différents degrés d’achèvement. À coté d’une maison achevée et habitée, on voit parfois s’activer des maçons édifiant une villa. On voit souvent aussi des terrains sur lesquels s’élèvent des embryons de maison. Apparaît ainsi à 20 cm de hauteur ce que chacun au Sénégal sait être des fondations i.e. les premières briques faites de ciment, sable et gravier et qui tracent les futures pièces de la maison. S’élèvent également dans les quartiers résidentiels des constructions qui s’arrêtent brusquement plus ou moins haut. Vous pouvez ainsi avoir les fondations, quelques murs qui font entre 50cm et 3m puis plus rien ou alors une maisons qui semble totalement achevée mais sans peinture, ni fenêtre et encore moins circuit hydraulique et électrique.

Donc nous vadrouillons au Sénégal et un jour mon amie excédée (plutôt intriguée je suppose) me demande en désignant une de ces maisons inachevées : « Mais qui est-ce qui s’amuse à commencer à construire une maison avant de brusquement s’arrêter ? » Interloqué par une telle question, je lui expliquais ce qui me paraissait évident mais ne l’est probablement que pour un sénégalais. Supposons que vous soyez un sénégalais lambda. Vous gagnez un peu d’argent mais pas trop. Vous n’avez donc aucun espoir qu’une quelconque banque vous prête suffisamment d’argent pour construire d’un seul allant votre demeure. Vous n’y pensez même pas, votre travail étant trop incertain pour que vous envisagiez de vous engager à verser des mensualités fixes. Une telle situation ne vous empêche certainement pas d’être ambitieux et de vouloir un jour être propriétaire de votre propre maison et échapper à ces suceurs de sang que sont les logeurs*. Quel choix vous reste-t-il ? Ce qui est clair c’est qu’à moins de gagner au Loto, vous ne réunirez jamais les 20 millions de FCFA qu’il faut pour construire une maison. Ce que vous pouvez faire en revanche, c’est économiser suffisamment pour acheter un terrain quelque part… n’importe où. Au bout de quelques années, avec un peu de chance et au prix de beaucoup de sacrifices, vous acquerrez votre précieux terrain. Première étape franchie avec succès donc. Reste le plus dur. Construire. Vous cherchez un architecte et lui demandez combien ça vous couterait de vous faire faire un plan**. Et vous recommencez à économiser pour le plan. Une fois le plan tracé, vous prenez langue avec un entrepreneur qui vous dit combien coûtera chaque étape de la construction. Après un deux ou trois ans d’économies, vous avez réuni une somme suffisante pour les fondations. Vous contactez votre entrepreneur qui vous les construit. C’est l’une des choses les plus difficiles parce qu’il faut sortir en une seule fois beaucoup d’argent. Une fois cette étape franchie, le reste avance tout seul. Votre maçon devient votre meilleur ami pour les années qui viennent : à chaque fois que vous avez un peu d’argent, vous l’appelez et lui demandez de poursuivre l’édification de votre maison bien aimée. Après lui, ce sera l’électricien, le plombier, le carreleur etc… Selon votre situation socioéconomique, ça vous prendra plus ou moins longtemps pour devenir propriétaire et pouvoir à votre tour crier à tout bout de champs « Fii maa fiy dogal ! »

Donc, j’ai expliqué ce qui précède à mon amie. Quelque jours plus tard, nous promenant à Niodior, elle m’interpella en désignant le bâtiment suivant :

 

Elle me posa alors la question suivante : « Dis-moi, tu vois une ruine ou une construction ? Parce que moi tout ce que je vois, c’est une affreuse ruine ! » Cette question me semble-t-il résume tous les malentendus qui naissent de la différence de point de vue entre quelqu’un qui voit un pays africain en y ayant longtemps vécu et un étranger. Objectivement, le bâtiment désigné n’est ni une ruine ni un bâtiment en construction. Quand mon amie le regarde, elle a raison de voir quelque chose d’inhabitable et de moche. Connaissant tout ce que je sais sur la construction au Sénégal, quand je contemple ce bâtiment, je vois une success story en train de se conclure. Le ou la propriétaire de cette maison a clairement fait le plus dur : il/elle a non seulement édifié les fondations mais également tous les chainages et même le toit de sa maison. Tout ce qu’il lui reste, ce sont des finitions. Je peux parfaitement imaginer des années d’économie, de labeur et de négociation pour arriver à cet état d’achèvement et j’ai bon espoir qu’en moins d’une ou deux années il emménagera fièrement dans sa nouvelle maison avec sa famille. Peut-être est-il à l’orée de la retraite ou alors est-ce un jeune ambitieux qui a très tôt économisé quand ses amis faisaient des dépenses somptuaires. C’est le point de vue qui fait tout.

Plus généralement, il me semble que souvent quand les non africains voient l’Afrique, ils sont face à un bâtiment inachevé comme celui-ci. Là où ils ne voient que de la misère, je vois de l’espoir, de l’énergie, de la lutte et de la construction. Peut être suis-je trop optimiste ; la vision misérabiliste et compassionnelle de l’Afrique me parait cependant en occulter la réalité objective.

PS : Si j’ai le temps, je mettrai plus d’illustrations dans ce post.

…….

*On aura donc deviné que je ne suis pas propriétaire

**Je crois que c’est légalement obligatoire