Donna Tartt dévoilée
Cette interview de Donna Tartt est vraiment excellente. Un extrait (pas vraiment représentatif):
There is an extraordinary moment in our meeting, when perhaps I see the Donna Tartt beyond the myth, beyond the construct, a little unadorned. It happens when I ask, as you do of New Yorkers, what it’s been like living in the city since September 11. « I was actually finishing up my book in Virginia [where she has a snake-infested house] when it happened, » says Tartt. « I came back up a week after; it was a week to the day, and it was one of the scariest drives of my life. The roads were absolutely empty and it felt like the world had ended. There were big American flags hanging off bridges and when you’d stop at one of the rest-side stops, cops would come up to you and they’d talk to you and ask you, ‘Where are you going?’ They’d be like, be careful, God bless you. There was nobody travelling whatsoever. And you just had no idea what you were heading into. And even though you tried to reassure yourself that you knew what to expect, it was the most horrible moment of my life. Really. I thought I was looking out at New Jersey. I didn’t recognise it as New York. The towers were just how you recognised the city, they were the city, you could see them from miles afar. There was just this kind of smoking – you thought you were looking at some kind of factory in New Jersey and you were just like – what has happened to Manhattan? It was just awful, awful, awful. » At this point, I notice that the tip of Tartt’s nose is turning pink, a clear contrast to her porcelain skin, and I think she’s going to sneeze. I suddenly realise she’s about to cry. The whites of her eyes redden and clear tears drip delicately down her cheeks. « I’m so sorry, it was terrible, terrible, » she says. « I’m so embarrassed. » She reaches into her big leather bag (half the size she is, and packed with stuff – fancy patterned sunglasses case, little containers) and pulls out a compact with which she powders her nose. « I’m so embarrassed, » she repeats, and I believe her.
Mateo Falcone
“ Qu’as-tu fait ? s’écria-t-elle.
– Justice.
– Où est-il ?
– Dans le ravin. Je vais l’enterrer. Il est mort en chrétien ; je lui ferai chanter une messe. Qu’on dise à mon gendre Tiodoro Bianchi de venir demeurer avec nous. ”
La nouvelle de Mérimée à laquelle je faisais référence dans le post précédent est Mateo Falcone.
On peut en écouter une lecture ici.
Walcott vs Darwin
Ce passage de la biographie de Derek Walcott sur wikipedia me parait presque trop beau:
In 2009, Walcott became a leading candidate for the position of Oxford Professor of Poetry but withdrew his candidacy after a whispering campaign raised the profile of earlier sexual harassment allegations. No new information about the well-publicised 1996 case came to light at this time.[12] The position was awarded to Ruth Padel, but she resigned after only nine days when her involvement in the smear campaign against Walcott was revealed. Padel’s comportment in the affair was roundly criticized by a number of respected poets in a letter of support addressed to Walcott and published in the Times Literary Supplement.[13]
…………….
- Quoi? Le milieu de la poesie que j’imaginais éthéré serait encore plus sanglant que la politique?
- Mais pour apprécier toute cette histoire, il faut garder à l’esprit que la poétesse Ruth Padel est l’arrière-arrière petite fille du Charles Darwin himself. Je suppose que c’est ce qui se passe quand on essaie d’appliquer la survival of the fittest dans des domaines où on ne le devrait pas: au final, tout le monde est perdant!
Amis éditeurs
Mettez le texte intégral de vos livres en ligne. Je suis sûr que vous y gagneriez. Voici comment.
Les gens qui lisent et qui en ont les moyens achètent des livres: parce qu’ils aiment ça et parce que c’est désagréable de lire 400 pages sur son ordinateur. En revanche, la meilleure manière pour ces gens là de recommander un livre est de pointer vers un extrait ou un chapitre particulièrement intéressant. Et vous ne pouvez pas prévoir quelle partie d’un livre sera jugée intéressante parce que c’est relatif. Donc, mettez les textes intégraux en ligne et laissez les gens farfouiller dedans. Il est évident que certains liront sans payer mais ceux qui aiment les livres et qui en ont les moyens achèteront les livres découverts en ligne pour les lire tranquillement et les avoir dans leur bibliothèque.
Ne me croyez pas sur parole, tentez l’expérience avec quelques vieux livres et vérifiez comment évoluent les ventes avant de mettre tout votre catalogue en ligne.
Il n’y a rien de plus désagréable que de lire un livre, de vouloir le bloguer mais de devoir s’abstenir parce qu’un court extrait ne ferait pas l’affaire et que taper à la main quatre pages est hors de question. … Si, en fait, il y a plus désagréable: ne plus avoir le temps de lire des romans 😉
Édouard Glissant
vient de mourir.
Contrairement à son ainé et fellow martiniquais Aimé Césaire, il était contre la dilution de l’identité des diaspora noires dans une négritude culturelle fantasmée. Il a très tôt prôné une mise en valeur des processus de créolisation qui ont eu lieu dans les Caraïbes, comprenant que ces processus sont une expression du génie humain qui fait que partout et quelles que soient les conditions, nous faisons émerger du nouveau et de l’imprévisible. Les cultures de la diaspora ne sont pas plus nègres qu’elles ne sont européennes, indiennes ou américaines. Elles sont à la fois métisses hybrides et originales. Il faut en voir la richesse plutôt que de les appauvrir en en mythifiant l’une des sources. On pourrait argumenter que les théoriciens de la négritude ne disaient pas autre chose mais il se trouve que la compréhension de la Négritude comme retour aux sources africaines est la lecture dominante depuis Orphée noir de Sartre qui adoubait ce mouvement comme un « racisme antiraciste voué à disparaitre »*
Cette revendication de la créolité fait paradoxalement que Glissant est également l’un des poètes par excellence de la mondialisation. Sa pensée du Tout-Monde essaie de tenir ensemble les particularismes et le cosmopolitisme qui est désormais notre lot.
Même si je n’ai jamais eu les mêmes préoccupations intellectuelles ni n’adopte nécessairement les mêmes solutions, je pense que nous venons de perdre un penseur important.
PS: Relire cette interview dans le journal préféré de Florian.
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* Soit dit en passant (et sans vouloir dire de mal d’un mort), je suis toujours sidéré et admiratif devant la capacité de Sartre à dire avec aplomb d’énormes conneries!
En relisant Kourouma
Relu dernièrement Quand on refuse on dit non de Ahmadou Kourouma. C’est le roman inachevé sur lequel il travaillait au moment de sa mort en 2003 et Birahima, l’enfant soldat d’Allah n’est pas obligé en est de nouveau le héros. L’un des intérêts du livre, en plus de la féroce innocence du Birahima, c’est que Kourouma met en scène les acteurs de l’histoire politique de la Côte d’Ivoire, nous faisant percevoir les germes de la divisions depuis les travaux forcés de la colonisation jusqu’à l’incroyable rouerie de Houphouët. L’intrigue du roman est simple. Après sa participation à la guerre civile au Libéria, Birahima a rejoint son oncle à Daloa et est un chenepan d’Afrique de l’Ouest presque normal. Il va à l’école coranique et apprend un métier chez un transporteur. Il ne souffre pas du tout de stress post-traumatique et autres maladies de blanc :-). Sauf qu’un jour la ville est attaquée par les troupes de Gbagbo qui assassinent les hommes valides et pillent les propriétés mais ne touchent pas aux femmes et aux enfants parce que: « La religion de Jésus-Christ interdit formellement aux catholiques de faire le moindre mal à des enfants, des femmes, des vieillards et des enfants innocents. » Après ce massacre, la brillante fille de son maitre d’école coranique demande à Birahima de l’escorter vers le Nord et lui confie une Kalashnikov. Au cours de ce voyage, elle lui raconte l’histoire de leur pays et le livre est une sorte de retranscription de ce que Birahima comprend de cette histoire entrecoupé d’évènements survenant pendant le voyage et de réactions de B. sur ce qui l’entoure.
Je vous met deux extraits. Le second souligne ce que j’ai toujours pensé de FHB. Ce mec, par je ne sais quel miracle (l’aide de la France et la corruption de tout ce qui l’entourait?) a réussi à se faire une réputation de « sage de l’Afrique » alors qu’il n’était rien d’autre que le pillard le plus corrompu que l’Afrique ait connu, incapable de se préoccuper des intérêts de son peuple et s’employant avec toute son énorme intelligence à cultiver son mythe de sorte à continuer à mettre tout le pays à son service. Il a promu des médiocres y compris dans le rang des opposants et a très tôt (dès avant les indépendances) abandonné toute velléité de résistance aux intérêts français. Son unique cause, pendant la colonisation était de faire en sorte que les planteurs africains qu’il représentait bénéficient des mêmes atroces avantages (les travaux forcés) que les colons et s’enrichissent comme ces derniers. Ce n’est que par hasard, et non par humanisme, qu’il a fait abolir ce système esclavagiste. Capitalisant sur ce premier geste politique incontestablement bon, il est passé de reniement en reniement d’une situation d’opposant aux planteurs coloniaux à celui de laquais le plus obséquieux de la France.
Le livre ne fait que 150 pages et mérite d’être lu.
Les victimes avaient de la chance: au lieu de pourrir pour servir d’humus au sol qui donne le meilleur chocolat du monde, leurs membres et leurs têtes servaient de repas succulent aux fauves et aux cochons, des bêtes vivantes. Il est beaucoup plus valeureux de nourrir des bêtes que de fournir de l’humus aux plantes. Les plantes, ça ne bouge pas et ça n’a jamais dit grand chose. Les bêtes ça se déplace, ça court, ça voltige, ça hurle, ça grogne et même parfois ça court après l’homme, ça l’attrape, le renverse et le mange vivant. Gnamokodé (putain de la mère)!
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« A qui pensez-vous, Monsieur le Président? »
Le « vieux » répondit par une question:
« N’y aurait-il pas dans l’armée ivoirienne, quelque part, un saint-cyrien d’ethnie yacouba?
-Oui Monsieur le Président… Mais vous ne pouvez pas songer au capitaine Gueï pour un poste de responsabilité de cette valeur! Il est très peu sérieux, et surtout il aime beaucoup l’argent et les femmes. C’est l’officier le plus corrompu parmi ceux de son rang.
-Monsieur le ministre, je vais peut-être vous étonner. Mais l’expérience montre que les gens trop propres ont des difficultés à réussir à un certain niveau de responsabilité. Ce capitaine est l’homme qu’il me faut.
16 personnages en 16 mn
C’est phnk qui a commencé mais c’est via Phersu puis Tom Roud que je me laisse prendre au jeu des 16 personnages de fiction en 16 mn. La règle veut que vous listiez en 16 mn 16 personnages de fiction qui vous ont inspiré. Je n’ai presque pas triché mais un peu quand même. J’ai bien établi ma liste en 16 mn sans effacer ni rien ajouter après coup. En revanche, ce n’est qu’une fois la liste écrite que j’essaie de dire pourquoi je les ai choisi. Sans toujours être sûr de le savoir en fait.
(1) Leuk le Lièvre: je crois que tout enfant africain sénégalais qui se respecte a eu droit aux tribulations de Leuk le lièvre et de ce lourdaud de Bouki l’hyène. Ce dernier essaie toujours de lui jouer des tours pendables et finit par tomber dans ses propres pièges. Leuk est le faible qui s’en sort grace à son intelligence face à l’arbitraire du tenant de la force brute. Perso, c’est d’abord ma grand mère qui me racontait ces contes en Poular. Je me demande si mes neveux y ont toujours droit. Faudra que je demande à ma soeur.
(2) Samba Diallo: j’ai lu l’aventure ambiguë une première fois à 12 ans et ai trouvé le livre totalement débile. L’ai relu 4 ans plus tard et depuis, c’est l’un de mes livres préférés. Samba Diallo pour moi, ce sont les gens comme mon père qui ont commencé leur éducation dans une société traditionnelle africaine et sont passé plus ou moins brutalement à l’école occidentale sans aucune idée de ce que sont ces gens bizarres qui leur enseignent des trucs totalement étranges. C’est également quelque chose qui touche notre génération dans la mesure où en tant qu’africain tu te poses toujours la question de ce que tu transmettras de ta culture dans un monde globalisé dont les valeurs ne sont pas définies par ta société mais par les dominants.
(3) Obierika, le meilleur ami d’Okonkwo dans Le monde s’effondre. Okonkwo est le héros du livre d’Achebe. Mais Okonkwo, tout occupé à devenir le parfait Ibo, ne se rend pas compte que la société Ibo était en train de mourir du fait de la colonisation. Obierika, lui, essaie juste un être humain accompli qui n’hésite pas à critiquer sa propre culture. Grace à cette disposition d’esprit, il saura s’adapter à la société qui vient.
(4) Tom Sawyer: no need to comment, tout garçon qui se respecte veut être/est Tom Sawyer.
(5) Huck Finn: bien plus tard, je me suis rendu compte que Huck Finn était le vrai héros de Mark Twain. Il est iconoclaste non pour choquer mais parce qu’en tant qu’enfant sauvage, il n’a pas eu d’éducation. En revanche, étant doté d’un cerveau et d’un coeur, il saura systématiquement faire les bons choix comme quand il aide le nègre Jim à s’enfuir et se retrouve à disserter pour savoir s’il est antiesclavagiste. Conclusion de Huck: peut-être que c’est immoral mais c’est ce qu’il faut faire et je le ferai.
(6) Cimballi: oui je l’avoue autour de 16 ans, j’ai lu Paul-Loup Sulitzer et me destinais vraiment à la bourse. Je voulais devenir milliardaire et prendre ma retraite à trente ans et venir enseigner à la fac en Jaguar. Ce n’est qu’après le bac que j’ai décidé de faire philo plutôt qu’une École de Commerce ou la fac d’Économie.
(7) Guelwaar: regardez le film de Sembène Ousmane. Là je pense que c’est clairement Sembène Ousmane plus que ce personnage en particulier qui a été une influence pour moi.
(8) Nick Carraway: juste un mec qui essaie de rester décent en toute circonstances et qui se met en retrait. Pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, c’est l’ami commun de Gatsby et de la dame de ses rêves dans Gatsby le magnifique.
(9) Ok, Hector aussi mais clairement, pour moi c’est grace à la pièce de Giraudoux plutôt que l’Illiade que je n’ai d’ailleurs lu que très tardivement (à la fac)
(10) Le héros du Désert des tartares. Lu juste après la maîtrise. Ça m’a carrément fait flipper me demandant si je n’étais pas en train d’attendre que ma vie commence alors qu’elle était déjà terminée. Je me pose toujours la question.
(11) Rémus Lupin: C’est clairement mon personnage préféré, avec Neville Longbottom, de Harry Potter. Ce mec qui, parce qu’il est un loup garou, n’aura jamais une vie normale, sera toujours pauvre et persécuté mais qui est arrivé à ne jamais devenir amer. Oh, bien sûr, il meurt pendant la guerre contre Voldemort.
(12) d’Artagnan: well, c’est d’Artagnan quoi. L’épée, le panache, la moustache, les filles…
(13) Wangrin: en fait, Hampathé Ba semble dire qu’il a vraiment existé. Un indigène du temps de la colonisation qui non seulement réussit à devenir millionnaire mais roule dans la farine un chef de canton i.e. L’équivalent de Dieu sur terre.
(14) Ben du Toit: Le héros même pas anti apartheid d’Une saison blanche et sèche. Faut pas essayer d’être décent quand on vit dans un système injuste!
(15) Le Huron de Voltaire: honnêtement, je ne comprends pas comment j’en suis venu à le mettre. Peut-être que je voulais juste quelque chose de Voltaire en fait.
(16) Don Quichotte bien sûr.
Que quiconque le veut, reprenne le mème.
PS: Comme prévu, il a suffi que j’aie fini de choisir mes personnages pour que d’autres personnages bien plus passionnants se bousculent au portillon. La Grande Royale pour l’Aventure ambigüe et Lady Laura de Trollope! Mais ce serait de la triche que de changer.
PPS: Contrairement à ce que je veux bien croire, je suis définitivement un littéraire. Il n’y a presque rien d’autre que des personnages de roman!
William Boyd & la Birmanie
C’est William Boyd qui raconte l’histoire (Dans Brazzaville Beach si je ne me trompe). Elle est peut être apocryphe mais je la trouve intéressante. D’après Boyd donc, si les rebelles du Biafra ont perdu la guerre contre l’armée nigériane, c’était pour une raison pour le moins surprenante. Le Chef des rebelles, avait une sorte de marabout/sorcier personnel. Avant chaque bataille, ce marabout/sorcier lui indiquait les sacrifices à effectuer et prédisait en public l’issue favorable de la bataille. Le système marchait très bien et les biafrais avaient de relativement bons rapport avec les Dieux. Sauf qu’à un moment donné, le chef des rebelles s’est rendu compte que son marabout/sorcier personnel était en train d’avoir trop d’influence sur ses troupes et qu’à ce train là, on pourrait bientôt se passer de ses propres services en tant que chef. En bon sociopathe, il fit la seule chose qui lui paraissait rationnelle: il assassina sans hésiter ce rival potentiel. Idée géniale diriez vous, si Chirac avait avait assassiné Sarko en 95… En fait pas tant que ça. Une fois le marabout/sorcier assassiné, le chef était peut être un chef incontesté prêt à prendre Lagos et à régner sans partage sur le Nigéria, mais il avait un problème autrement plus grave. Ses soldats n’étaient simplement plus du tout motivés: ayant perdu leur prophète, ils ne se sentaient plus du tout invulnérables. Alors, courageux mais pas téméraires, ces soldats firent la seule chose rationnelle à faire quand on est un soldat courageux mais que l’on sait que Dieu a changé de camp: ils se mirent à se rendre lors de batailles contre les soldats nigérians. Ces derniers arrivaient en s’attendant à recevoir la pâtée habituelle et se retrouvaient héros victorieux avec des tas de prisonniers à maltraiter!
Je suis sûr que cette histoire est fausse mais j’y repense en lisant des reportages sur la Birmanie. Au détour d’un article j’ai lu qu’un soldat ayant tapé un moine, quelqu’un lui a signalé qu’il irait en enfer pour cet acte et que le soldat à alors éclaté en sanglot. (J’avoue que je croyais qu’il n’y avait pas d’enfer dans la religion bouddhiste mais là n’est pas mon propos.) Apparemment les birmans sont très croyants et majoritairement bouddhistes. D’après mes souvenirs, il y a presque autant de moines que de soldats dans ce pays; sachant que c’est une armée hypertrophiée par rapport à la population. La religion joue donc un rôle très important et les moines ont une légitimité très forte y compris chez les militaires. De plus, tout militaires qu’ils soient, les soldats n’en sont pas moins hommes, qui croient en leur religion, la pratiquent et essaient de protéger leur âme de la damnation éternelle. Demander, comme l’ont fait les psychopathes qui dirigent ce pays aux soldats de réprimer des manifestation de moines me paraît donc extrêmement dangereux pour le régime. A mon avis, la grande majorité des soldats qui ont participé à cette répression doivent penser qu’ils viennent de quasi-définitivement condamner l’équivalent bouddhiste de leur âme à l’équivalent bouddhiste de l’enfer éternel. Même à supposer qu’ils puissent moralement le supporter, ces soldats sur-entraînés, il reste encore leurs femmes, maris et enfants qui vont devoir vivre avec l’absolue certitude que leur conjoint ou père est damné. Ça doit être infernal non? A votre avis, combien de temps ça prendra-t-il pour que le soldat de base, voire même l’officier de rang intermédiaire se dise qu’aucun Général ne vaut qu’il encoure la damnation éternelle? Moi je parierais pour cinq ans au maximum. Mon avis est qu’en réprimant les moines si violemment, les Généraux viennent de lancer le boomerang qui leur cassera la figure. Mais si ça se trouve, c’est juste mon indécrottable optimisme qui s’exprime….
PS: Ce post est purement spéculatif et ne s’appuie sur rien de concret mais si on ne peut plus spéculer tranquillement sur son blog, où va donc le monde
PPS: Ça vaut ce que ça vaut mais Boyd est l’un de mes écrivains favoris et je pense que si vous ne l’avez jamais lu, votre vie est définitivement moins riche que la mienne!
Mise à Jour du 29/10/07: Mon amie Mimy me signale que d’après son père, on enrôlait dans l’armée des membres des minorités et que ces derniers n’étaient pas nécessairement bouddhistes. Voila qui fiche en l’air ma belle analyse non? Ça peut paraitre bizarre mais j’aime bien quand mes spéculations gratuites sont invalidées par quelqu’un de mieux informé que moi: ça me rassure sur la complexité du monde.
Steinbeck, les souris et les boat-people africains
Ce weekend j’ai discuté avec une de mes amies de Dakar. A un moment, la conversation a tourné autour de toutes ces personnes qui embarquent à bord de pirogues absolument inadaptées pour essayer d’atteindre les îles Canaries. C’est vraiment stupide lui disais-je. Et que l’on m’épargne le couplet sur la misère : une fois en Espagne, ne parlant pas espagnol, souvent sans qualifications et sans papiers, ils vivront dans une misère encore plus noire et qui ne sera même pas éclairé par un temps clément. [Décidément, je ne me fais toujours pas à l’hiver au bout de 4 ans!] Et là, mon amie m’a confié une chose qui m’a un peu coupé le souffle et expliquerait le comportement, à première vue suicidaire, de ces personnes. Selon elle, une rumeur persistante dans les quartiers pauvres du pays veut qu’en Espagne il y ait pénurie de main d’oeuvre dans les fermes, le bâtiment and so on. Étant donné que ce sont là des emplois qui ne demandent pas vraiment de qualifications et qu’ils sont prêts à travailler, il n’est pas irrationnel que ces jeunes fassent le voyage. OK, mais c’est quand même franchement stupide de prendre la pirogue pour un si long périple non? Bof, il suffit juste d’être un peu désespéré (Ex: vous avez 33 ans, n’avez jamais travaillé de votre vie, squattez chez des parents qui ne gagnent eux-mêmes pas beaucoup d’argent, ne voyez aucun miracle par lequel vous trouveriez un emploi et observez que la majorité de vos amis sont dans la même situation que vous.) et de n’avoir aucune notion de navigation, pour se laisser tenter…. La question que se posait mon amie était celle de savoir si ce n’étaient pas les fabricants de pirogues qui faisaient courir ces rumeurs. Personnellement je me garderais bien d’accuser sans preuves une si respectable corporation qui prend le relais quand Air France et les autres compagnies aériennes se refusent à assurer…
Cette histoire de rumeur m’a en tout cas rappelé un livre de John Steinbeck qui a été adapté, je crois, au cinéma: Les raisins de la colère. Dans ce livre, Steinbeck nous fait suivre une famille de petits fermiers du Midwest qui décident d’émigrer en Californie. Petit à petit, on se rend compte que cette famille suit un mouvement général qui voit la majorité des agriculteurs de cette région partir vers l’ouest. Ce déplacement est motivé d’abord par la pauvreté: leurs fermes sont hypothéquées et ne rapportent plus assez d’argent pour payer les traites et nourrir la famille mais surtout ils reçoivent de très beaux prospectus dépeignant la Californie comme le paradis sur terre où les salaires sont élevés et où on n’a qu’à poser un fruit par terre pour qu’un arbre fruitier pousse. Non seulement le voyage est d’une tristesse infinie (globalement, le livre est très triste quoique souvent on ne puisse s’empêcher de rire.) mais en plus, un fois sur place, nos voyageurs se rendent compte qu’il y a plus de postulants que d’emplois grace à l’exode massif des midwesterns. Ce qui fait que l’on se demande qui imprimait ces prospectus: les banquiers désirant récupérer les terres et les revendre à de gros exploitants ou les fermiers californiens désirant attirer de la main d’oeuvre bon marché? De plus ils sont victimes de la xénophobie des autochtones qui les appellent tous Okies même quand ils ne viennent pas de l’Oklahoma. Les raisins de la colère est l’un des meilleurs de la période communiste de Steinbeck et se termine par une sorte de sermon affirmant que le mépris et la misère économique étaient le terreau sur lequel s’épanouiraient les raisins d’une colère juste des prolétaires et d’une révolution. Dans le cas du Midwest d’après la crise de ’29 tout comme dans le cas des boat-peoples africains actuels, il y a des gens qui profitent de la misère des uns pour s’enrichir mais personnellement je ne crois pas vraiment à la révolution. En revanche je crois en la science et en l’égoïsme humain, c’est pourquoi je m’en vais vous parler de la psychologie des souris.
Une expérience de psychosociologie assez connue est la suivante: on prend des souris et on les met dans un milieu confiné avec des ressources limitées. Au début les choses se passent très bien. La communauté souris s’agrandit tranquillement et harmonieusement. Puis, à mesure que la population augmente et que les ressources se raréfient, les souris commencent à se battre entre elles, des maladies surviennent et le taux de mortalité augmente jusqu’à ce que la population revienne à un niveau compatible avec les ressources disponibles. Quel est le lien avec l’Afrique? Je sais que tout le monde va hurler devant tant de naturalisme voire de cynisme, mais je pense que dans la plupart des pays africains, nous nous trouvons exactement dans la même situation que ces souris i.e. confinés dans un espace clos avec des ressources très limitées (ou en tout cas très injustement réparties). La différence est que nous avons un cerveau plus grand ce qui fait que les plus pauvres se rendent compte de leur situation et essaient par tous les moyens de fuir cet espace confiné. Voici pour la science. Pour l’égoïsme, nous avons besoin de nos voisins du Nord qui n’ont aucune envie de se faire envahir par des bateaux d’immigrants clandestins. Cet égoïsme me semble être une chance pour les pays pauvres parce qu’une fois qu’il sera clair que les murs et patrouilles ne suffiront pas à stopper les clandestins, les européens n’auront d’autre choix que de promouvoir un système international plus juste dans lequel, par exemple, le paysan du Mali ne sera pas obligé d’abandonner sa ferme parce que les subventions aux producteurs du Nord empêchent son coton d’être compétitif. En attendant cette prise de conscience, nous pouvons toujours soutenir Madonna et Jeffrey Sachs!
PS: Je trouve ce post vraiment pourri mais je vais probablement le mettre alors si t’es arrivé jusqu’ici cher lecteur, soit t’es maso, soit ce post n’est finalement pas si pourri que ça. Dis-moi ce qu’il en est STP!
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