Blasphème
Lord, have mercy on us!
Étant donné que Krugman est Dieu, toute critique de son oeuvre est ipso facto un blasphème. Ceci dit, ce blasphémateur est intéressant qui pointe ce qu’il voit comme les contradictions du Seigneur.
Bien sûr, le croyant que je suis pourrait aisément lui rétorquer que ce qu’il voit comme blasphèmes ne sont rien d’autres que paradoxes* illustrant la profondeur du message divin.
Du même blasphémateur, ce texte comparant Nicholas Nassim Taleb à Kanye West mérite d’être lu.
…..
*Plus sérieusement, l’une des critiques qu’il fait à Krugman et à Delong est qu’ils sont arrogants en affirmant qu’ils sont convaincus d’avoir raison et qu’ils ne lisent pas les sites conservateurs. Le problème, c’est que quand tu es confronté aux mêmes solutions qui sont connues pour être inefficaces, à un moment donné, tu cesses de les prendre en considération et tu avances. Et c’est là qu’on t’accuse de ne pas être ouvert à la critique parce que tu ne discutes pas avec l’idiot du village. Ce qui est inquiétant de nos temps, c’est que l’idiot du village porte un costume et conseille le Parlement de la première puissance mondiale.
Posner redevient idiot
Quand, il y a plus d’un an, Posner avait vu la lumière et subitement décidé qu’après tout les théories néolibérales étaient peut-être stupides, le cinglant commentaire de Krugman avait été:
why, exactly, should we listen to people who by their own admission completely missed the story? I mean, anyone who actually listened to what Newt Gingrich and Dick Armey were saying in 1994, let alone what passed for thought in the Bush administration, should have realized long ago that if there ever was an intellectual basis for modern conservatism, it was long gone
Et si l’on y réfléchit une seule minute, c’est incontestable. Richard Posner a beau être juge à la cours d’appel fédérale et prof à l’université de Chicago, il n’en est pas moins vrai qu’il a passé les dernières décennies à défendre et à donner de la respectabilité à des idées non seulement totalement idiotes mais également dangereuses pour la société et cruelles pour les plus défavorisés de ses concitoyens. Qu’il reconnaisse du bout des lèvres que les idées dangereuses qu’il défendait étaient peut-être pernicieuses après que ces idées ont presque menées le monde à la ruine n’en fait pas un héros. Krugman a d’autant plus raison que la crise n’est même pas encore terminé que Posner retourne sans sourciller à ses délires néolibéraux. Ainsi, dans son dernier post, il argumente très sérieusement contre l’allongement par l’administration Obama de la durée des indemnités chômage. Il a deux arguments:
Far from being effective as stimulus, the extension of unemployment benefits will have two negative effects on employment. First, it will increase the opportunity cost of the recipient’s rejoining the labor force.
[…]
Second, extending unemployment benefits has a negative long-term effect on employment. The longer a person is unemployed, the less likely he is ever to return to the labor force, at least in a job comparable to the one he held before becoming unemployed. Apart from erosion of skills and of the habit of working, persons unemployed for a long time are unattractive hires because employers are suspicious of these persons’ attachment to or aptitude for work.
Toujours la même rengaine: les chômeurs préfèrent profiter du système social que de travailler ce qui fait que quand ils finissent par se décider à chercher du travail parce que leur durée d’indemnisation est écoulée, les patrons ne veulent plus les réembaucher parce qu’ils ont perdus leurs savoir faire et sont de toute manière paresseux. Tapons sur les pauvres, non pas parce que ça nous plait mais parce que c’est dans leur intérêt quoi! Ce qui est étonnant, c’est que c’est toujours sur les pauvres qu’on propose de taper et qu’on ne pense jamais à faire payer les riches.
PS: Oh mais bien sûr, Gary Becker pense la même chose, mais c’est Becker non? Just for fun, admirez la qualité de ses arguments:
However, the actual large extension poses a major risk of creating an unemployment culture where men and women remain “ unemployed” for years. Once the period of unemployment becomes long enough, people begin to get the habits from being unemployed for a long time: they sleep late, develop various leisure interests, and at the same time their work skills depreciate from not using them for an extended period. Studies have shown that skill depreciation is a serious effect of being unemployed for a long time.
C’est bien connu, les chômeurs se réveillent à 12h et attendent qu’il fasse nuit pour aller boire leurs indemnités.
Sur Krugman
Parce même si Krugman c’est Dieu, on a le droit de blasphémer, non? Je ne suis pas d’accord avec l’auteur mais l’article est très intéressant.
Krugman, la crise et les économistes
Paul Krugman a dans le New York Times de samedi dernier un excellent papier sur la raison pour laquelle les économistes ont eu du mal à prévoir et à proposer des solutions adéquates à la crise actuelle.
Le constat de Krugman c’est que l’histoire de l’économie de ces cinquante dernières années est l’histoire de l’oubli de Keynes. Sous l’influence des monétaristes, même ceux qui se croyaient keynésien, ne soutenaient plus qu’une version light de ce que disait Keynes. Il y avait notamment une sorte de consensus selon lequel les états n’avaient pas à essayer de favoriser l’emploi; la manipulation des taux d’intérêts par les banquiers centraux suffisent largement à réguler tout ce qui peut et doit l’être. La crise actuelle et l’aveu déchirant de l’ancien prophète Alan Greenspan que tout son édifice intellectuel venait de s’écrouler ont suffi à faire de nouveau prendre conscience à certains économistes (mais pas tous) que l’intervention de l’État pouvait parfois être salutaire.
Une des thèses de Krugman dans le papier, c’est que les économistes ont confondu la beauté avec la vérité. Au fur et à mesure que le spectre de la crise s’éloignait, les superbes formalisations mathématiques qui présupposaient des agents économiques parfaitement rationnels s’imposaient et les économistes s’éloignaient faisaient de plus en plus d’idéalisations dont ils oubliaient aussitôt qu’ils ne reflétaient pas la réalité. Quand on a vécu assez longtemps sous ce régime, il devient difficile d’accepter que les belles conclusions auxquelles on aboutit sont faillibles, d’autant plus difficile en fait quand ces conclusions sont que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes économiques possibles!
Dernier détail, si vous lisez régulièrement le blog de Krugman, vous reconnaitrez pas mal de choses. Cet article me semble donner une bonne raison de tenir un blog professionnel (ce que le mien n’est pas bien sûr): tester certaines idées, sortir de l’université et se rendre compte qu’en dehors de sa communauté ces idées ne sont pas aussi connues qu’elles devraient l’être puis en faire un livre ou un long article de magazine qui diffuse au plus grand nombre ce qu’il est indispensable de savoir.
PS: Pour comprendre à quoi fait allusion l’image, il vous faudra lire le papier de Krugman… ou au moins Anniceris!
Paul Krugman a dans le New York Times de samedi dernier un excellent papier sur la raison pour laquelle les économistes ont eu du mal à prévoir et à proposer des solutions adéquates à la crise actuelle.
Le constat de Krugman c’est que l’histoire de l’économie de ces cinquante dernières années est l’histoire de l’oubli de Keynes. Sous l’influence des monétaristes, même ceux qui se croyaient keynésien, ne soutenaient plus qu’une version light de ce que disait Keynes. Il y avait notamment une sorte de consensus selon lequel les états n’avaient pas à essayer de favoriser l’emploi; la manipulation des taux d’intérêts par les banquiers centraux suffisent largement à réguler tout ce qui peut et doit l’être. La crise actuelle et l’aveu déchirant de l’ancien prophète Alan Greenspan que tout son édifice intellectuel venait de s’écrouler ont suffi à faire de nouveau prendre conscience à certains économistes (mais pas tous) que l’intervention de l’État pouvait parfois être salutaire.
Une des thèses de Krugman dans le papier, c’est que les économistes ont confondu la beauté avec la vérité. Au fur et à mesure que le spectre de la crise s’éloignait, les superbes formalisations mathématiques qui présupposaient des agents économiques parfaitement rationnels s’imposaient et les économistes s’éloignaient faisaient de plus en plus d’idéalisations dont ils oubliaient aussitôt qu’ils ne reflétaient pas la réalité. Quand on a vécu assez longtemps sous ce régime, il devient difficile d’accepter que les belles conclusions auxquelles on aboutit sont faillibles, d’autant plus difficile en fait quand ces conclusions sont que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes économiques possibles!
Dernier détail, si vous lisez régulièrement le blog de Krugman, vous reconnaitrez pas mal de choses. Cet article me semble donner une bonne raison de tenir un blog professionnel (ce que le mien n’est pas bien sûr): tester certaines idées, sortir de l’université et se rendre compte qu’en dehors de sa communauté ces idées ne sont pas aussi connues qu’elles devraient l’être puis en faire un livre ou un long article de magazine qui diffuse au plus grand nombre ce qu’il est indispensable de savoir.
PS: Pour comprendre à quoi fait allusion l’image, il vous faudra lire le papier de Krugman… ou au moins Anniceris!
Paul Krugman Prix Nobel

On dirait que les huit années les plus déprimantes de la vie de Paul Krugman viennent de toucher à leur terme. Krugman a passé les huit dernières années à dénoncer sans succès cette faillite de la pensée qu’est l’Administration Bush. Ce que j’admire chez Krugman, c’est qu’il est l’un des rares intellectuels US à avoir osé dire sans détour que la politique de Bush était dangereuse autant pour le peuple américain que pour le reste du monde, à l’avoir répété contre vents et marées en dépit des attaques et des accusation de trahison que cela lui a valu. C’est en ce sens que je disais que les huit dernières années étaient probablement les plus déprimantes de sa vie. Il faisait la seule chose qu’un vrai patriote américain pouvait faire: dénoncer la perversité, l’inefficacité et la stupidité totale de l’administration Bush et cela lui valait une volée de bois verts. Pour ces raisons et bien d’autres, j’ai été agréablement surpris que Krugman ait eu le Nobel d’économie de cette année. Parce qu’en plus d’être férocement anti Bush, Krugman est d’abord et avant tout prof d’économie à Princeton et un excellent spécialiste de commerce international dont les travaux nous permettent de mieux comprendre la globalisation actuelle.
Vous savez quoi? Krugman est tellement cool qu’il a un blog!
Obama comme test
Je suis un optimiste forcené. Par exemple,depuis quelques années déjà, je soutiens, y compris face à des amis qui y habitent, que le racisme qui sévit aux USA n’est pas si grave que ça parce qu’il est tout simplement résiduel. Mon avis est que la société américaine est, depuis longtemps déjà, passé d’une époque où la grande majorité était volontairement (et activement?) favorable à la discrimination à une époque où la grande majorité n’accorde plus réellement d’importance à la couleur de la peau et croit réellement à l’égalité de tous les citoyens américains. Quid des statistiques qui montrent qu’être noir est effectivement un handicap dans la société US? Well, toute la subtilité de mon analyse iconoclaste consiste à voir que ce sont là les conséquences malheureuses de plusieurs siècles d’inégalité et de discrimination et qu’elles prendront du temps à se résorber et qu’en attendant, tout ce que l’on peut faire, c’est remercier des types comme Al Sharpton et Jesse Jackson d’en faire leur fonds de commerce parce que plus ils s’agiteront, plus la résorption de ces inégalités sera rapide. Bien évidemment, personne ne me croit et mes amis qui vivent aux états unis encore moins que tous les autres. Franchement, si vous croyez que je suis du genre à abandonner une aussi belle théorie face à quelque chose d’aussi peu fiable que l’expérience personnelle de mes amis, vous me décevez beaucoup. Je n’ai pas fait des études de philosophie pour me comporter comme un vulgaire sociologue obnubilé par ce qu’il croit être des faits! Moi, il me faut mieux, une véritable étude scientifique avec des données beaucoup plus importantes… ou Barrack Obama. Non sérieusement, il me semble que le phénomène Obama est un test parfait pour ma théorie.
Ok, je l’avoue, au début, je m’étais laissé prendre par la rhétorique de McCain le Maverick. Je croyais vraiment que McCain était un républicain indépendant et progressiste en ce qui concerne les moeurs et assez indépendant pour voir que la torture était une intolérable trahison de tout ce que pouvait représenter la Constitution US. Je me suis d’autant plus facilement laissé prendre que si j’étais, comme Obama, contre l’invasion de l’Irak, j’ai tout de suite eu tendance à penser que la solution, une fois la connerie faite n’était pas de se retirer mais de mettre assez de troupes pour vraiment nettoyer le merdier que l’on a créé avant de s’en aller. Puis j’ai vraiment écouté McCain et, pour être charitable, je me limiterai simplement à dire que ce type est incontestablement fou. Non, sérieusement, il ne se contente pas de croire, comme tout bon républicain que l’avortement c’est mal, que Dieu aime les armes et que les gays iront en enfer et qu’en attendant on devrait ici-bas leur donner un avant goût de ce qui les attends. Sa politique économique se limite à la blague: « je rappellerai Alan Greenspan » et on le laisserait faire, il attaquerait la Russie. Et en plus, il prends vraiment les femmes (toutes les femmes) pour des idiotes. Recruter cette Sarah Palin sans même vraiment faire une enquête approfondie sur elle juste parce que l’on s’imagine que les femmes (généralement diplômées et-ou actives) qui ont voté Hilarry accourent dès qu’elles voient une jupe sur un bulletin de vote, c’est vraiment le truc le plus irresponsable qui ait jamais été fait depuis la guerre en Irak voire même avant! Le type a 72 ans, il pourrait mourir d’un jour à l’autre et il choisit la personne qui pourrait le remplacer de manière aussi désinvolte alors que toute sa rhétorique jusque là consistait à dire que l’on était en guerre et qu’il nous fallait un leader expérimenté pour mener le monde libre.
Et comme si ça ne suffisait pas, voilà que la dame qui était censée nous montrer comment éduquer nos enfants dans la voie du Seigneur s’avère incapable de surveiller sa fille et qu’elle se révèle avoir tendance à vouloir virer ceux qui divorcent d’avec sa soeur et surtout qu’elle a été une ancienne membre d’un parti dont le but avoué était la partition des États-Unis d’Amérique. Vous vous rendez compte? Le parti Républicain qui fait mine de penser que quiconque n’est pas descendu du Mayflower doit donner des preuves supplémentaires de son désir d’appartenance à la Glorieuse Nation Américaine accepte sur son ticket une dame qui voulait faire sécession? C’est tellement énorme que je n’arrive juste pas à y croire et là Swampland m’apprends que M. Palin aussi militait pour ce fameux parti indépendantiste d’Alaska. Juste pour terminer avec Palin; John Bolton himself affirme que la dame a une expérience internationale puisque l’Alaska est frontalière avec le Canada et la Russie! Je ne doute pas un seul instant que la gestion de la migration transfrontalière des Ours Blancs et des rennes ne soit importante mais je me demande s’ils ne nous prennent pas un peu pour des cons. En ce moment, savoir distinguer un chiite d’un sunnite me paraît vachement plus utile pour un dirigeant américain que la familiarité avec les autorités sibériennes.
Qu’est-ce que tout ceci a à voir avec ma théorie du Bon Américain? Mon point est le suivant. Le ticket républicain est tellement bancal que le seul argument valable dont dispose à mon avis McCain est le suivant: « Hey mais attendez, son père est noir et musulman! » Bien sûr, il faudra tourner ça autrement mais l’idée y sera. Par exemple, vous pouvez avoir le subtil: ce type est un aristocrate de Harvard qui n’a rien à voir avec nous autres américains dont tout le monde sait que nous sommes notoirement fiers d’être totalement cons et ignorants et choisissons nos dirigeants parmi les idiots du village. L’idée est de faire penser: « uppity negro! » Ou alors vous avez le spot antéchrist mettant en scène Obama à Berlin. Tout ce que vous voulez mais il faut que ça suggère très fortement l’idée que Obama n’est pas l’un de nous. Nous ici représentant la nation américaine archétypalement blanche et chrétienne. Si j’ai raison contre l’avis de mes amis et s’il est vrai qu’il n y a plus de racisme que résiduel dans la société américaine, cela ne devrait pas marcher. L’économie US est en trop mauvais état, la guerre d’irak a fait trop de dégats pour que les citoyens américains puissent se permettre de voter sur la couleur de la peau et cela d’autant moins que pour l’instant McCain se montre totalement incompétent et incapable de choisir soigneusement sa colistière ou de proposer un plan de relance de l’économie intelligible.
Ceci dit, je vous rappelle encore une fois que j’avais prédit une victoire de Ségolène Royal!
Update de 13h: Vous savez quoi? Paul Krugman pense comme moi!
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