Témoignage pour ETR
En janvier dernier, j’ai écrit un témoignage sur mes tribulations préfectorales à la demande d’un chercheur de notre labo qui intervient dans le Think Tank En Temps Réel. Ce témoignage, ainsi que celui d’un post-doc américain, a été publié d’abord dans les Cahiers d’ETR puis sur Rue89.com. Étant donné que, pour des raisons totalement compréhensibles,le texte a été raccourci, je vous mets ici en intégralité mon témoignage originel: TemoignageETRFinal (pdf). Sans le texte intégral, on ne comprend pas bien par exemple pourquoi j’éprouve le besoin de préciser que je suis noir. Ce d’autant moins que ma photo est juste à coté 😉
Rapport de Préfecture
Hier, j’ai fait la queue, debout presque tout le temps, de 9h30 environ à 15h25 pour pouvoir renouveler mon titre de séjour. J’estime que c’est une bonne journée parce que:
- Je n’ai passé qu’une heure de temps dans le froid et il ne faisait pas très froid pour un matin de décembre.
- Je ne me suis fait insulter par personne et mes différents interlocuteurs ont été polis
- J’ai reçu le papier que j’étais venu chercher
Un étranger en France se doit d’apprécier ces petites joies.
PS: La petite mesquinerie: en face de la préfecture il y un énorme parking gratuit mais strictement limité à 2H. Ça signifie juste qu’aucun étranger n’a le droit de s’y garer parce qu’aucun de nous n’est assez stupide pour s’imaginer qu’il rentrera dans la préfecture (même pour déposer ou retirer un papier) et en ressortira en moins de deux heures. On a beau croire au père Noel, il y a des choses qui sont impossibles.
Il ne gèle pas
Mais non, ils ne déshonorent pas du tout la France:
« En fait, c’est le cinquième jour que je fais la queue. La première fois, la personne du standard téléphonique d’Antony m’a dit de me présenter à la sous-préfecture, en me conseillant cependant de “venir un peu en avance, car il y a un peu de monde le matin”. Je suis donc arrivée à 8 heures, soit 45 minutes avant l’ouverture. En découvrant qu’il y avait 300 personnes, j’ai halluciné. Evidemment, on ne m’a pas fait entrer.
Je suis donc revenue le lendemain, à 7 heures. Là encore, trop de monde. Le surlendemain, je suis venue à 6 heures. Idem, impossible d’entrer. Le quatrième jour, je suis donc arrivée à 4h30, pensant que cette fois, ce serait bon ! Mais je suis repartie en pleurant, dégoûtée de m’être derechef fait renvoyer !
Cependant, comme la loi m’oblige à faire cette foutue démarche, je n’ai pas eu le choix : ce soir, je dors devant la porte de la sous-préfecture. Mais je suis bien contente d’être dans les premières ! Et puis ne nous plaignons pas. Il ne pleut pas, il ne gèle pas. Ça pourrait être pire… »
Et quand je lui demande ce qu’elle est venue faire exactement comme démarche, sa réponse a de quoi choquer davantage :
« Oh, je suis juste venue pour faire un changement d’adresse sur ma carte de séjour. Je viens de déménager… »
Juste une remarque, ce témoignage illustre parfaitement le dilemme dans lequel se retrouvent à un moment où un autre tous les étrangers qui vivent en France: soit on essaie de respecter des règlements absurdes et on se retrouve à passer la nuit dehors, y compris en plein hiver; soit on se dit qu’on n’obéira pas à certaines lois idiotes et on est de facto dans l’illégalité. Personnellement, je suis sans-papiers la moitié de l’année parce que je refuse de passer la nuit dehors. C’est un choix qui a des conséquences comme l’impossibilité de sortir de France à certains moments de l’année même si j’ai une conf’ intéressante. En revanche, il ne me viendrait même pas à l’esprit, comme cette étudiante scrupuleuse, de signaler un changement d’adresse à la préfecture avant la date d’expiration de mon titre de séjour!
Mon prefet
est toujours une star…
Chaque année, depuis cinq ans maintenant, l’Etat Français me donne rendez-vous à la préfecture de l’Essonne, pour justifier de ma situation afin que mon épouse, qui est mère de deux enfants français, puisse renouveler son titre de séjour. Naïvement, comme chaque année, je pensais que les choses s’étaient arrangées depuis la dernière fois… c’est plus fort que moi : comme tous ceux qui vivent cette humiliation, une fois qu’on en est sorti, je ne sais pas pourquoi, on se dit que c’était la dernière fois, et que l’on ne pourra pas supporter de vivre ça une fois de plus. Alors, comme par magie, notre esprit fais le ménage, et la vie continue…
Émouvant
Oooooh, on parle de MA préfecture…. Ce qui me rappelle que je n’ai toujours pas reçu mon titre de séjour 2011, qui je vous le rappelle expirera qu’il pleuve ou qu’il vente le 31 décembre 2011.
Faudrait peut-être que j’aille les secouer un peu avant que mon employeur s’en aperçoive et cesse de me payer 🙂
PS: Les français sont mignons quand ils se marient avec des étrangers et découvrent ce qu’on fait en leur nom. Ils pensent sincèrement que s’indigner ou pointer des évidences aura un quelconque effet.
Alléluia…
j’ai enfin reçu mon titre de séjour… qui expire quand même le 31 décembre ce qui me donne cinq mois de sursis. On parie combien qu’en janvier je me retrouve dans un aéroport essayant de sortir de France sans titre de séjour valide?
Ceci dit, je suis officiellement un scientifique!
Mes tribulations préfectorales
Pour une fois, je m’y étais pris à temps: fin novembre déjà, je m’étais rendu à la préfecture, avais fait la queue pendant une heure, retiré un dossier de demande de renouvellement de titre de séjour, rempli le dossier, joint les papiers nécessaires et posté le tout. Sachant que mon titre de séjour expirait le 31 décembre et que je suis le roi des procrastinateurs, c’était là un petit miracle dont je suis légitimement fier. Mi décembre, j’ai téléphoné au consulat de France au Sénégal pour leur annoncer que j’étais obligé de venir à Dakar pour une conférence et qu’étant donné que mon titre de séjour aura expiré entre temps, j’aurai besoin d’un visa pour revenir en France. Mon correspondant m’assura que cela ne poserait aucun problème. Moyennant quoi, je vins à Dakar, fis ma conférence et… faillis me retrouver bloqué à tout jamais à Dakar; le consulat refusant de me délivrer un visa de retour et accusant la préfecture de ma commune de résidence de ne pas répondre à ses mails. Finalement, le gestionnaire de mon labo ayant engueulé simultanément les gens de ma préfecture et du consulat de France au Sénégal, il me fut délivré un visa; non sans que j’aie raté mon vol et complété de l’argent pour décaler mon retour d’une semaine.
De retour en France, je me payais tranquillement le luxe de tomber malade pour voir à quoi ça ressemble lorsque le CNRS me fit savoir, en mars, qu’il cesserait de me payer si je ne lui présentais pas des papiers en règle. J’appelais donc mes chers amis de la préfecture qui me firent savoir qu’un délai de trois mois leur paraissait totalement raisonnable et que ce n’était pas la peine de les déranger pour si peu. Devant la perspective atroce de devenir un malade sans ressources, j’en parlais à ma boss qui prit les choses en main puisque je n’étais pas en état de le faire. Elle se rendit à la préfecture, essayât de savoir où en était mon dossier et se vit répondre que…. je n’y avais pas de dossier. Elle reconstituât mon dossier, vint me faire signer certains papiers à l’hôpital, partît déposer le tout à la préfecture, se fit demander quelques jours plus tard ma signature sur un papier que j’avais déjà signé, revint à l’hôpital pour me le faire signer et ramenât le papier à la préfecture. Elle réussit, je ne sais comment à récupérer en moins d’un mois un récépissé de dépôt de demande de titre de séjour grâce auquel elle obtint de haute lutte que le CNRS me fit un nouveau contrat. Mais bien évidemment, le contrat ne dure que jusqu’en juillet puisque mon récépissé expire en juillet.
Normalement, la réception du précieux récépissé signe le début de la fin du calvaire annuel: cela veut dire qu’un de ces prochains mois, vous recevrez une convocation à venir retirer votre titre de séjour. J’étais dans cet état de délicieuse attente lorsque, il y a deux ou trois semaines, je reçus une convocation à venir… signer un papier à la préfecture. Étant sorti de ma maison de convalescence ce mardi, j’y suis allé aujourd’hui, ai fait la queue pendant quarante cinq minutes alors que je tiens à peine debout, ai signé leur fichu formulaire que j’avais déjà signé trois fois et suis rentré chez moi m’écrouler sur mon lit, victime d’une baisse de tension. Et vous savez qu’est-ce qui est le plus beau dans l’histoire? Je risque de recevoir en juillet un titre de séjour 2010 courant de janvier à décembre et serai dans l’obligation légale de recommencer toutes ces démarches trois mois avant l’expiration de ce titre de séjour i.e. en octobre. En attendant, j’aurais eu deux mois (aout/septembre) de tranquillité absolue et cinq mois pendant lesquels il me sera autorisé de sortir de France avant que ne recommence le cauchemar. Y a pas à dire, l’accueil des étrangers est super bien organisé en France!
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