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Pauvreté du Stimulus redux

Posted in Philosophie, Recherche by hadyba on août 14, 2011

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En général les enfants apprennent tous à parler aux mêmes ages et passent par les mêmes étapes pour ce faire. De plus, cet apprentissage ne parait pas dépendre de l’intelligence de l’enfant. Votre fille qui est si intelligente et le fils de votre voisin, qui est un crétin fini comme son père, apprendront à parler selon à peu près le même rythme. A l’inverse, le fait de ne pas pouvoir parler n’indique rien de l’intelligence générale d’une personne. Les différentes formes d’aphasie sont remarquablement encapsulées et n’affectent pas tant que ça les autres domaines de la cognition. Ces considérations parmi d’autres ont été utilisées par Chomsky pour soutenir qu’il y a une faculté de langage universelle, partagée par tous les humains et qui fait que nous apprenons tous, sauf accident, à parler la langue de notre communauté. Prenez un petit humain d’age prélinguistique, plongez-le dans n’importe quel groupe humain différent de celui de ses parents et il se mettra à babiller la langue du lieu dès que sera venu le moment pour lui d’apprendre le langage. Nous avons tous remarqué avec quelle rapidité les enfants d’expatriés acquièrent une langue nouvelle lors même que leurs parents, qu’ils soient balayeurs des rues ou prof de linguistique à l’université, demeurent gauche dans leur langue d’adoption. C’est parce que, soutient Chomsky, les humains ont une faculté de langage universelle programmée pour saisir la langue locale, quelle qu’elle soit, et qui, une fois fixée sur une langue, perd une grande partie de sa capacité à s’adapter à des langues structurellement différentes. Un enfant est donc facilement polyglotte alors qu’un adulte aura tendance à demeurer monolingue s’il ne s’est pas frotté à d’autres langues dans son enfance. Une conséquence de cette manière de voir est que sous leur diversité apparente, les langues humaines ne sont rien d’autre que des variations réglées autour d’une base commune que nous pourrions appeler la grammaire universelle.

Il y a deux manières d’argumenter en faveur de la linguistique générative de Chomsky. La première consiste à construire la grammaire universelle et à donner les règles de variation qui génèrent les différentes langues naturelles qui existent. La seconde, plus indirecte, consiste à montrer que dans le cas de l’apprentissage initial du langage nous faisons des généralisations qui ne sont pas strictement déterminées par les données accessibles. La meilleure manière d’expliquer ce fait serait alors de postuler des structures mentales innées dédiées à l’apprentissage du langage et qui encodent cette grammaire universelle. C’est là l’argument de la pauvreté du stimulus. Il y a eu récemment, une recrudescence des attaques contre le paradigme de Chomsky et je viens de voir que Berwick, Pietroski, Yankana & Chomsky ont un nouveau papier défendant l’argument de la pauvreté du stimulus. Tout ce bavardage avait juste pour but de signaler à ceux que ça intéresse que s’ils n’ont pas d’accès à Cognitive Science, une version du papier est disponible sur le site de Paul Pietroski (pdf).

Je vous mets l’abstract du papier ci-après. Pour une critique sérieuse de l’innéisme de Chomsky, vous pouvez lire en français ce papier (pdf) de Jean-Michel Fortis qui est un linguiste à Paris VII.

Abstract

A central goal of modern generative grammar has been to discover invariant properties of human languages that reflect “the innate schematism of mind that is applied to the data of experience” and that “might reasonably be attributed to the organism itself as its contribution to the task of the acquisition of knowledge” (Chomsky, 1971). Candidates for such invariances include the structure-dependence of grammatical rules, and in particular, certain constraints on question formation. Various ‘poverty of stimulus’ (POS) arguments suggest that these invariances reflect an innate human endowment, as opposed to common experience: such experience warrants selection of the grammars acquired only if humans assume, a priori, that selectable grammars respect substantive constraints. Recently, several researchers have tried to rebut these POS arguments. In response, we illustrate why POS arguments remain an important source of support for appeal to a priori structure-dependent constraints on the grammars that humans naturally acquire.

2 Réponses

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  1. alainlecomte said, on août 14, 2011 at 3:46

    YES! Very well indeed… 🙂 J’ai moi-même commis un billet l’an dernier sur ce même sujet
    à l’occasion de la visite de Chomsky à Paris:
    http://alainlecomte.blog.lemonde.fr/2010/05/
    et j’adore cette photo de Chomsky.

  2. hadyba said, on août 15, 2011 at 2:29

    Oui, la photo est magnifique et c’est exactement ainsi que j’imaginais son espace de travail.

    Quand il est venu l’année dernière, j’étais encore à l’hôpital mais j’ai eu une permission exceptionnelle pour aller le voir. Je n’ai pu assister qu’à la conf’ au Campus des Cordeliers parce que j’étais trop faible mais ç’aurait été absurde de complètement rater sa visite. J’avais lu vos posts, entre autres, pour me tenir au courant des autres conf’ et des débats annexes comme le ridicule dont s’est couvert un journaliste du Monde.


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